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La loi sur le pouvoir d’achat et son impact sur le temps de travail

samedi 6 août 2022

Le manque de majorité absolue à l’Assemblée nationale a obligé les parlementaires à faire appel à tous les dispositifs démocratiques existants des deux assemblées parlementaires pour faire voter un texte de compromis pour une loi sur le pouvoir d’achat. Un des points bloquants portait sur le temps de travail avec la mise en place de la pérennisation de la hausse du plafond des heures supplémentaires défiscalisées ainsi que de la possibilité du rachat des RTT au-delà de décembre 2023. Le 3 août 2022 en soirée, la commission mixte paritaire composée de sept sénateurs et de sept députés a trouvé un accord sur le projet de loi. Plusieurs mesures concernent les salariés.

La loi comprend plusieurs mesures concernant les salariés du privé : une situation clarifiée des intérimaires, une augmentation des tickets restaurants utilisables pour tous les produits alimentaires, une prime de transport, l’augmentation de l’aide à l’achat de carburant, le déblocage anticipé de l’épargne salariale, la possibilité de placer en activité partielle les salariés reconnus vulnérables, ainsi que la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés mais aussi une réduction des cotisations patronales, au titre des heures supplémentaires pour les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professions libérales, agriculteurs) dont le revenu net d’activité est proche du SMIC.

La loi comprend des mesures d’urgence sur le pouvoir d’achat comme « la prime du pouvoir d’achat » qui sera versée à compter du 1er juillet 2022. Les entreprises pourront verser à leurs salariés payés en-dessous de 3 Smic (sur les 12 mois précédant son versement) une prime de 3 000 euros, voire de 6 000 euros si un accord d’intéressement a été conclu.

  • Cette prime de partage de la valeur (PPV) sera défiscalisée et désocialisée jusqu’à fin 2023.
  • À partir de 2024, elle sera ouverte à tous les salariés dans les mêmes conditions.
  • Elle sera exonérée de cotisations sociales mais soumise à l’impôt sur le revenu.
  • La prime peut être versée en une ou plusieurs fois.
  • Pour éviter qu’elle ne remplace les augmentations de salaire, son versement en 4 fois est limité à une fois par trimestre.
  • La mise en œuvre d’accords d’intéressement notamment dans les petites entreprises est facilitée.
  • La prime exceptionnelle de rentrée sera versée aux bénéficiaires de minima sociaux et à ceux de la prime d’activité.

Les salariés pourront monétiser des jours de RTT en accord avec l’employeur : une date butoir au 31 décembre 2025 a été fixée :

  • En revanche le rehaussement du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires est institué sans limite de temps.

Le dispositif permettra aux salariés du privé, quelle que soit la taille de l’entreprise et avec l’accord de l’employeur, de convertir en salaire des jours ou demi-journées RTT non pris, acquis au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 jusqu’au 31 décembre 2025.

  • Aucun plafonnement du nombre de jours concernés n’a été fixé.
  • Sont visés les jours résultant d’un dispositif de RTT maintenu en vigueur en application de la loi N° 2008.789 du 20 août 2008.
  • Cela concerne aussi les jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (Code du travail, art. L. 3121.41 à L.312.47).
  • Si l’employeur accède à la demande du salarié, les journées ou demi-journées travaillées seront majorées d’un montant « au moins égal au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable à l’entreprise », soit 25 % en l’absence d’accord collectif, ou au moins 10 % en cas d’accord.
  • Ces heures ne s’imputeraient pas sur le contingent d’heures supplémentaires.
  • Les sommes issues de cette monétisation seront soumises au même régime fiscal et social que les heures supplémentaires (exonération d’impôt sur le revenu dans la limite du plafond commun de 7 500 euros après exonération de cotisations salariales d’assurance vieillesse, déduction forfaitaire patronale dans les entreprises de moins de 20 salariés).

Les syndicats ont vivement réagi sur ce texte notamment sur les questions de la monétisation des RTT et celle des salaires.

Ils s’inquiètent de la monétisation des RTT

  • « Coup de canif » dans les 35 heures. Les salariés vont voir leur RTT comme une source de revenus et ne verront donc pas d’augmentation de salaire.
  • Pour la CFDT : « Le salaire, c’est le pilier de base du partage de la valeur. Aujourd’hui 70 % des branches professionnelles ont au moins un de leurs minimas inférieur au SMIC (et parfois 5 ou plus) ».
  • Pour la CGT, il s’agit d’un contresens « Le gouvernement remet en cause le temps de travail ».
  • Pour FO : « invoquer sans cesse l’objectif du plein emploi tout en faisant travailler plus ceux qui ont déjà un emploi relève du paradoxe ».
      Pour la CFTC, « Les « entreprises diront qu’elles n’ont pas besoin d’augmenter les salaires puisque les salariés pourront racheter leur RTT ».

Concernant les salaires, ils affirment dans une déclaration commune :

« Les organisations syndicales et de jeunesse réaffirment que le SMIC doit demeurer un salaire d’embauche et qu’il ne peut pas être une trappe à bas salaires maintenant les salariés au SMIC toute leur carrière professionnelle. La conditionnalité des aides aux entreprises est aujourd’hui un impératif. Elle doit permettre aux branches professionnelles et aux entreprises de mener des politiques plus concrètes en matière sociale et environnementale, notamment par le dialogue social. Le futur débat parlementaire doit permettre d’avancer notamment sur cette conditionnalité des aides aux entreprises qui ne jouent pas le jeu en matière salariale. Les organisations syndicales et de jeunesse rappellent que ces exonérations et allègements de cotisations mettent à mal notre système de protection sociale collective. Nos organisations conviennent de se réunir à nouveau début septembre afin de poursuivre leurs échanges ».
Paris, le 12 juillet 2022.

La loi prévoit aussi l’accélération de la procédure d’extension des accords salariaux et l’utilise comme outil de restructuration des branches professionnelles, afin d’inciter les partenaires sociaux à rehausser régulièrement leurs minima de branche au niveau du SMIC. Mais il est difficile pour les syndicats d’accepter la remise en cause du temps de travail et le non-paiement ou la baisse des cotisation sociales, dispositifs qui viennent une fois de plus fragiliser le budget de la sécurité sociale, de l’Unédic et des retraites.


Références