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Les clés du social : La réforme des CSE et le syndicalisme

La réforme des CSE et le syndicalisme

Publié le 4 mars 2023 / Temps de lecture estimé : 5 mn

La réforme des CSE met-elle en danger à terme le syndicalisme ? C’est la question qui peut être posée à la lecture d’une étude réalisée par des chercheurs du CNAM sous l’égide de l’IRES commandité par la CFDT [1]. Pour y répondre, les syndicats et les élus du personnel semblent s’adapter progressivement à la nouvelle donne tout en pointant les difficultés auxquelles ils doivent faire face (enquête IFOP-Syndex) : perte de proximité ; parcours militants plus compliqués ou encore diminution des moyens dans les grandes entreprises. Autant d’éléments qui peuvent remettre en cause notre modèle social.

Perte de proximité

Le travail spécifique de l’IRES qui s’appuie aussi sur différentes enquêtes pointe toute la distance prise par les représentants du personnel et les salariés à la suite de la mise en place des CSE. Ainsi, 72 % des représentants du personnel interrogés considèrent leur position amoindrie dans la relation de proximité avec les salariés.

La diminution du nombre de représentants du personnel, la concentration des instances au niveau central accompagnée de la diminution du nombre de comités d’établissements dans les grandes entreprises ont éloigné de fait les salariés de leurs représentants.

Les représentants de proximité dont le rôle est imprécis et qui sont beaucoup moins nombreux que les anciens délégués du personnel n’ont pu empêcher ce sentiment d’éloignement. Ils n’ont pas la possibilité d’assurer le rôle de proximité et de « capteurs » de la réalité de terrain que jouaient souvent les délégués du personnel.

Il est encore difficile de mesurer l’impact qu’aura cette perte de proximité des représentants du personnel sur la perception qu’ont les salariés du syndicalisme en termes d’efficacité et de légitimité ? À ce titre le dernier baromètre du dialogue social effectué par l’Association Dialogues en lien avec le Cévipof (Sciences po) n’est pas très rassurant (article à venir sur Clés du social).

Plutôt réconfortant toutefois, les salariés sont très attachés à leur CSE. Ils sont encore très nombreux à connaître leurs représentants et à leur accorder leur confiance même si les réalités peuvent être différentes d’une entreprise à l’autre ou selon la taille de l’entreprise.

La surcharge de travail des élus

L’étude de l’IRES qui porte majoritairement sur les grandes entreprises pointe les difficultés rencontrées par les représentants du personnel dans l’exercice de leur fonction : difficultés dans l’utilisation des heures de délégation, découragement lié à la perte de proximité, surcharge de travail, ordre du jour des CSE trop chargés, réunions très longues, manque de compétences généralistes (économie, santé-sécurité, conditions de travail, etc). Cela provoque chez de nombreux militants une forme de « mal-être militant » qui ne favorise pas le recrutement de nouveaux militants.

Mais, pour l’instant, cela ne semble pas décourager l’engagement militant. Certains se déclarent même offensifs et motivés. Ainsi plus de 4 représentants du personnel sur 5 souhaitent se représenter pour un nouveau mandat. À moins que, pour une partie d’entre eux, la crainte de subir des représailles de la part de l’employeur une fois le mandat terminé ne soit une motivation supplémentaire pour le garder. La limitation à trois mandats successifs est par ailleurs souvent vécue comme un handicap pour constituer les listes en vue des nouvelles élections.

Face aux difficultés rencontrées dans l’exercice du mandat, les équipes syndicales développent des stratégies adaptées à leur réalité : répartition des thèmes entre élus, travail en équipe y compris au travers de moyens numériques collaboratifs, coordination du travail en commissions.

Les représentants du personnel cherchent à négocier (certains y arrivent) des moyens et droits supplémentaires notamment à l’occasion du renouvellement des instances : plus de moyens pour préparer les réunions, participation aux plénières du CSE pour les suppléants et droits supplémentaires en temps de délégation, réunions supplémentaires pour parler santé, sécurité et conditions de travail, etc.

La question des parcours militants

La suppression des mandats spécifiques qui permettaient l’intégration progressive de nouveaux militants dans les équipes syndicales est vécue comme une difficulté supplémentaire et ne facilite pas les recrutements.
En effet, les mandats de délégués du personnel, membre du CHSCT ou encore de suppléant au CE étaient une véritable école de formation syndicale pour les nouveaux militants : une sorte de « parcours de découverte » pour eux et pour les responsables un moyen de repérer leurs successeurs potentiels.

Aujourd’hui, la marche est haute quand il faut passer de simple salarié à représentant au CSE où il faut développer rapidement des compétences sur des domaines pas toujours faciles à assimiler. Évidemment, la formation est une réponse partielle et les enquêtes montrent que les élus en bénéficient largement ce qui favorise leur intégration dans les équipes syndicales.

Perte de moyens dans les grandes entreprises notamment

Plus que dans les TPE, c’est dans les entreprises de taille intermédiaires et surtout dans les grandes entreprises que la perte de moyens syndicaux a été importante. Aux difficultés internes aux équipes d’entreprises se rajoute leur capacité à dégager des moyens et des militants pour l’activité syndicale en dehors.

Le vivier militant que constituent les élus du personnel risque de se réduire. Moins de nouveaux militants, un parcours de découverte amputé, des élus recentrés sur leur responsabilité dans l’entreprise rendent plus difficile le recrutement de militants pour assurer le fonctionnement de l’organisation syndicale à l’extérieur de l’entreprise (structures interprofessionnelles ou professionnelles).

Moins de militants pour accompagner les équipes syndicales locales et amener au niveau supérieur les réalités de terrain, moins de militants pour faire vivre les structures syndicales risque de pénaliser la qualité du dialogue social au niveau de l’entreprise, de la branche mais aussi à terme au niveau interprofessionnel en termes de compétences, de prise en compte de la réalité du terrain et finalement en termes d’efficacité et de légitimité du syndicalisme.

Les militants d’entreprise moins pessimistes aujourd’hui qu’au moment de la mise en place des CSE recherchent les réponses à apporter au niveau des entreprises. Elles passent par des pratiques syndicales rénovées notamment pour tenter de garder le contact avec les salariés. Le renouvellement des CSE est aussi l’occasion de négocier ou renégocier des accords de dialogue social qui renforcent les droits et les moyens des représentants du personnel.

Mais il est nécessaire que la loi redonne des marges de manœuvre supplémentaires aux représentants du personnel en réformant en profondeur les règles actuelles du dialogue social dans les entreprises. Il faut répondre à la question de la proximité des représentants du personnel avec les salariés, leur donner plus de temps et plus de moyens pour exercer leur mission et recréer les conditions d’un dialogue social plus équilibré et plus productif. Souhaitons que les Assises du travail, dont un thème porte sur le dialogue social, permettent d’avancer sur cette réforme nécessaire des ordonnances de 2017.


Source


[1Etude « En quête de dialogue social » à partir d’un questionnaire diffusé auprès du des élus CFDT d’entreprise. 1038 élus ou élues ont répondu dont l’essentiel sont issu de grandes entreprises donc de représentants en principe plus ouvert au dialogue social et bénéficiant de plus de moyens pour exercer leur mandat que ceux disposent des élus de plus petites entreprises. Cette enquête a été réalisée de l’été 21 à janvier 2022.