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Lanceurs d’alerte : la Cour de cassation juge illicite leur licenciement et anticipe les débats parlementaires

mercredi 5 octobre 2016

Le vent est-il en train de tourner pour les lanceurs d’alerte ? Alors que le Parlement débat sur la mise en place d’un statut protecteur, une décision de la Cour de Cassation, du 31 juin, renforce la protection des lanceurs d’alerte. La Cour estime que les lanceurs d’alerte doivent bénéficier d’une « immunité » vis-à-vis de leur employeur lorsqu’ils œuvrent en bonne foi. Selon un sondage pour l’ONG Transparency International France, 39% des salariés gardent le silence par peur des représailles.

Les faits jugés

La Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre en Guadeloupe. Cette dernière avait refusé d’annuler le licenciement pour faute lourde d’un salarié d’une association qui avait dénoncé à la justice les agissements de responsables de cette structure. La Cour a également renvoyé l’affaire devant une autre composition de la cour d’appel de Basse-Terre pour être rejugée.

Le salarié avait été engagé en tant que directeur administratif et financier par une association gérant un centre d’examens de santé. Il avait été licencié en mars 2011 pour faute lourde alors qu’il avait dénoncé au procureur les agissements du président et d’un membre du conseil d’administration susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds.

Licencier un lanceur d’alerte porte atteinte à la liberté d’expression

« En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier du droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité », a indiqué la Cour en soulignant que son arrêt constitue une première.

Dans une note explicative, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire précise que cette décision « est de nature à protéger les lanceurs d’alerte, dans la mesure où la chambre sociale instaure cette immunité non seulement lorsque les faits illicites sont portés à la connaissance du procureur de la République mais également, de façon plus générale, dès lors qu’ils sont dénoncés à des tiers ».

Une affaire emblématique révèle l’absence de protection au niveau de l’Union Européenne

Il s’agit du scandale LuxLeaks qui a mis en lumière, en 2014, les accords passés par le Luxembourg avec des multinationales pour les attirer sur son sol, au détriment des finances publiques et alors que des efforts importants étaient réclamés aux Luxembourgeois face à la crise. Or cette affaire et la condamnation de deux salariés français par un juge luxembourgeois a montré qu’il n’existe « aucune protection en droit luxembourgeois », ni au « niveau européen » pour les lanceurs d’alerte, la nouvelle directive qui devrait instaurer une protection européenne « n’ayant pas encore été adoptée par le Parlement européen ».

Le débat parlementaire français est en cours

Cette question est abordée au sein de la loi Sapin II, largement approuvée le 14 juin par l’Assemblée nationale. À l’occasion du débat, les députés ont salué ces « éveilleurs de conscience » et le ministre des Finances a remercié dans l’hémicycle ceux qui « ont pris des risques et en souffrent ».

Le 8 juillet, le Sénat a adopté avec modifications le projet de loi. Les commissions mixtes paritaires du Sénat et de l’Assemblée Nationale se sont réunies le 14 septembre pour examiner les dispositions du projet de loi et de la proposition de loi organique restant en discussion. Elles ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun. Le texte est donc revenu à l’Assemblée nationale, qui l’a adopté le 29 septembre et le lendemain l’a de nouveau transmis au Sénat.

Selon le projet, le Défenseur des droits interviendra pour les lanceurs d’alertes victimes de discriminations. Les moyens financiers pour les avances de frais de justice seront renforcés. Le texte prévoit également qu’un lanceur d’alerte licencié pourra saisir les prud’hommes pour tenter d’obtenir son maintien dans l’entreprise, ou, s’il ne le souhaite pas, la préservation de son salaire. Il en sera de même pour un agent public au tribunal administratif.


Sources