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Les horaires atypiques de travail

mercredi 15 juin 2022

À la suite des lois favorisant la modulation du temps de travail et étendant le recours obligatoire au travail dominical, les horaires de travail, tôt le matin, le soir, la nuit, le samedi et /ou le dimanche, ont progressé ces dernières décennies pour certaines catégories de salariés et diminué pour d’autres ; soit 36 % des salariés français en 2019. Une stabilité en trompe-l’œil depuis 2013. Quelles sont les catégories socioprofessionnelles les plus touchées : les cadres, les ouvriers, les employés non qualifiés, les femmes ?

Les inégalités sur le marché du travail : au-delà des questions du statut d’emploi, du salaire et de la durée du travail, nous devons aussi examiner la répartition des heures et jours de travail dans la semaine. En 2019, 37 % des salariés de l’Union européenne travaillent en horaires non standards : c’est-à-dire le matin (5h-7 h), le soir (20h-0h) la nuit (0h-5h), le samedi et/ou le dimanche. Plusieurs évolutions sociétales ont développé les horaires de travail atypiques :

  • L’essor de l’économie numérique et le travail à la demande d’« ubérisation » de l’économie.
  • Le vieillissement de la population et la hausse des besoins en matière de soin aux personnes âgées.
  • Les changements dans les modes de vie et de consommation.
  • La dérégulation du temps de travail.

En France, une série de lois récentes a favorisé la modulation du temps de travail par accord d’entreprise et étendu le recours dérogatoire au travail dominical. Si la France se situe dans la moyenne européenne, la part des femmes travaillant en horaires atypiques a augmenté au cours de la dernière décennie contrairement à celle des hommes [1]. Les hommes restent proportionnellement plus nombreux à travailler tôt le matin, le soir et surtout la nuit, mais leur exposition aux horaires atypiques tend à se réduire sur la période.

  • Le travail du soir et de nuit a légèrement reculé,
  • Le travail du samedi, du dimanche et du matin a augmenté pour certaines catégories de salariés qui apparaissent plus exposées,
  • Les femmes travaillent plus souvent le samedi et le dimanche.

D’importantes différences existent selon la catégorie socioprofessionnelle des salariés et les écarts entre groupes sociaux se creusent sur la période. Les horaires atypiques sont plus fréquents pour la moitié des ouvriers et, parmi les non-qualifiés, quatre salariés sur dix travaillent habituellement le samedi et un quart le dimanche.
Entre 2013 et 2019, l’exposition aux horaires atypiques a diminué de 18 % chez les cadres tandis qu’elle stagnait ou augmentait pour les autres salariés. Le télétravail et le statut en CDI leur ont été favorables dans les accords d’entreprise visant à favoriser la conciliation des temps de vie.

L’exposition des femmes aux horaires atypiques : une augmentation chez les moins qualifiées (+11 % chez les ouvrières non-qualifiées) et une diminution chez les femmes cadres (-23 %). Chez les hommes, la polarisation sociale des horaires de travail est moins marquée.

  • Employées qualifiées, les femmes exercent plus souvent dans les bureaux que leurs homologues masculins, qui sont surreprésentés dans les emplois de pompier, police, armée, agent de sécurité, où les horaires atypiques sont répandus.
  • Les ouvrières non qualifiées travaillent comme agentes d’entretien tandis que les hommes de cette catégorie sont plus souvent manœuvres dans le BTP, où les heures diurnes et en semaine sont plus fréquents.
  • En matière de temps de travail, les horaires atypiques peuvent se combiner avec d’autres formes de contraintes temporelles.
  • Les horaires irréguliers (variables d’un jour à l’autre), les journées discontinues (périodes de travail séparées d’au moins 3 h) et les horaires imprévisibles (connus un jour à l’avance ou moins), sont susceptibles d’affecter le bien-être et l’organisation familiale des salariés.

En 2019, 35 % des salariés travaillant en horaires atypiques ont également des horaires variables (contre 24 % des autres salariés), 12 % ne connaissent pas leurs horaires de travail à l’avance (contre 8 % des autres salariés) et 9 % effectuent des journées de travail discontinues (contre 3 % des autres salariés). La proportion de salariés en horaires atypiques concernées par ces autres formes de contraintes temporelles varie toutefois selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle :

  • En bas de l’échelle sociale, les ouvrières et employées non qualifiées (+18 %) font plus souvent face à des journées discontinues et des horaires imprévisibles, dans des proportions identiques ou supérieures aux hommes de leur catégorie : elles sont parmi les plus exposées.
  • Au contraire, les femmes qualifiées cadres (-58 % pour les horaires imprévisibles et -49 % pour les journées discontinues) et dans une moindre mesure les professions intermédiaires et employées qualifiées apparaissent moins touchées par ces contraintes et sont toujours plus protégées que les hommes de leur catégorie.

Les différents régimes temporels de travail : quatre groupes de salariés se distinguent si on utilise une analyse des correspondances multiples pour appréhender la manière dont s’articulent les différentes contraintes temporelles. :

  • Le premier groupe réunit 58 % des salariés ayant des « horaires standards de travail ou très faiblement atypiques ». La majorité travaille entre 35 h et 39 h par semaine, en journée, même si un salarié sur dix exerce habituellement le samedi. 83 % travaillent tous les jours aux mêmes horaires (contre 64 % de l’ensemble des salariés). Les cadres et les professions intermédiaires sont surreprésentés dans ce groupe, ainsi que les employées qualifiées (employées administratives d’entreprise et secrétaires), 49 % sont diplômés du supérieur (contre 44 % de l’ensemble des salariés), le diplôme a un rôle protecteur dans l’exposition aux contraintes temporelles.
  • Le deuxième groupe, celui du « surtravail et horaires débordants », 12 % de l’ensemble des salariés, deux personnes sur cinq travaillent plus de 44 h par semaine, soit trois fois plus que l’ensemble des salariés et près d’un quart travaille entre 40 et 44 h par semaine, contre un sixième de l’ensemble des salariés. En outre la moitié travaille souvent au-delà de l’horaire prévu et déclare avoir des horaires variables. Les horaires atypiques concernent surtout les soirées et sont occasionnels. Ce groupe est composé majoritairement d’hommes qualifiés en milieu de carrière (40-49 ans), les cadres surreprésentés, de même que les salariés du secteur public (27 % contre 23 % de l’ensemble des salariés).
  • Le troisième groupe correspond aux « petits temps fragmentés et horaires imprévisibles ». Il rassemble 18 % des salariés, il est majoritairement féminin et peu qualifié. Près de la moitié de ce groupe travaille moins de 35 h par semaine (contre un cinquième de l’ensemble des salariés). 64 % travaillent habituellement le samedi et deux sur cinq le dimanche, avec des horaires décalés en soirée, tôt le matin ou la nuit. Un salarié sur huit connait ses horaires du jour au lendemain. Soit une population de 65 % de femmes, des jeunes de 15 à 29 ans, dont la moitié n’a pas le bac et 22 % sont en CDD. Beaucoup d’employés non qualifiés (aides à domicile, aide-ménagères, aides-soignantes), ouvriers non qualifiés (agents d’entretien) dans le secteur du commerce, du transport, de l’hébergement de la restauration.
  • Le quatrième groupe, celui des « horaires alternants réguliers » qui concerne 12 % des salariés, liés au monde de l’usine pour les hommes, au monde de la santé pour les femmes. 45 % des personnes de ce groupe travaillent la nuit, une majorité tôt le matin (80 %), le soir (68 %), la moitié le week-end. L’importance des horaires atypiques est liée à l’organisation du travail en continu afin d’assurer la production ininterrompue d’un bien ou d’un service.

Comment enrayer la spirale de la non-prise en compte de la désorganisation du travail dans ces métiers à bas salaires ? Les entreprises doivent réinternaliser toutes ces activités, que ce soient les organisations publiques ou les organisations privées. Sans réaction de leur part, les entreprises devront faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Les négociations au niveau des branches doivent sans tarder revoir les classifications de ces emplois à bas salaires en tenant compte de la valorisation des horaires atypiques de travail, de la reconnaissance de la pénibilité et aussi des compétences de ces salariés.


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