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Motivation et rapport à l’effort en baisse dans la vie quotidienne et au travail ? la Fondation Jean Jaurès s’interroge

samedi 21 janvier 2023

C’est avec un titre de rapport qui sort de l’ordinaire « Grosse fatigue et épidémie de flemme : quand une partie des Français a mis les pouces » que la Fondation Jean Jaurès s’interroge sur les conséquences de la crise sanitaire sur notre vie au quotidien et aussi sur notre rapport au travail et en particulier la motivation et le rapport à l’effort. Elle est en baisse et affecte toutes les catégories.

La crise sanitaire bouleverse tout

Au-delà des questions sanitaires et médicales (confinements, Covid long…) la crise sanitaire que nous vivons depuis près de trois ans a modifié « nos modes de vivre, de consommer et de travailler ». Au-delà la Fondation Jean Jaurès s’est penchée plus précisément sur « la motivation et l’état psychologique des individus, ainsi que sur leur capacité à effectuer un effort mental et physique et à résister aux aléas de la vie » estimant qu’il y avait là un angle mort des recherches scientifiques. La Fondation et l’IFOP ont mené une étude auprès des Français sur cette thématique portée par Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier.

Une perte de motivation dans tous les domaines qui affecte près d’un Français sur trois

Les chercheurs utilisent le mot « apathie » pour caractériser la situation de la société française depuis la crise sanitaire. Une apathie qui touche à la fois la sphère privée et la sphère collective et démocratique. Les Françaises et les Français interrogés déclarent à 30% être moins motivés qu’avant. Et seuls 12% des sondés se disent plus motivés qu’avant dans ce qu’ils font au quotidien. Ce pourcentage est encore plus important chez les plus jeunes, avec 40% des 25-34 ans indiquant être moins motivés qu’avant (contre seulement 21% des plus de soixante-cinq ans).
Géographiquement les habitants de la région parisienne semblent les plus touchés. 41% des habitants de cette région disent être moins motivés qu’avant contre 29% des personnes qui habitent dans les communes urbaines de province et 22% des habitants de zone rurale. Enfin, la baisse de motivation ne frappe pas de manière homogène les différentes familles politiques. Ainsi, pour la Fondation, « quand 44% des sympathisants de La France insoumise disent être moins motivés qu’avant, ce n’est le cas que de 23% des sympathisants de la majorité présidentielle et de 27% des sympathisants des Républicains ».

Quelques explications

  • L’effet de traîne du Covid-19 : quatre individus sur dix se sentent plus fatigués qu’avant la pandémie, avec une belle homogénéité suivant les genres et les origines.
  • Une fragilisation physique due à des phénomènes antérieurs comme le développement de la sédentarité des jeunes et des moins jeunes (écrans…) et le surpoids et l’obésité.
  • Mais aussi une fragilisation psychologique et mentale. Le rapport indique que « le pays a vu se succéder une série de crises au cours des dernières années, épreuves qui ont généré du stress et de l’angoisse dans le corps social » Sont cités : les attaques terroristes, la crise des « gilets jaunes », celle des retraites et puis les confinements et la pandémie de Covid-19 et le dérèglement climatique. Et enfin, la guerre a éclaté aux portes de l’Europe à la fin du mois de février dernier en Ukraine.

Faut-il parler d’une « épidémie de flemme » ?

La fondation répond positivement et elle estime qu’elle est alimentée par le marché. Dans l’enquête 45% des Français disent être régulièrement touchés par une épidémie de flemme les dissuadant de sortir de chez eux. Cette moindre appétence à sortir de chez soi a évidemment des conséquences sur des secteurs qui reposent sur l’accueil du public (cinéma, théâtre…). Elle repose aussi en corollaire sur de nouveaux modes de loisirs et de consommation (plateformes, Uber Eats, Amazon, consoles...) en augmentation dans tous les territoires du pays.

Que se passe-t-il dans le monde du travail ?

Bien évidemment le monde du travail n’échappe pas à ces grandes tendances. Là aussi les chercheurs constatent une instabilité. Le nombre d’arrêts maladie en France en 2022 a explosé, 42% des salariés s’étant vu prescrire un arrêt maladie cette année (un chiffre plus important qu’avant le Covid-19). Plus intéressant pour notre sujet, « les troubles psychologiques et l’épuisement professionnel, principaux motifs des arrêts longs, sont désormais à l’origine de 20% des arrêts maladie, dépassant pour la première fois les troubles musculosquelettiques (16%) ». L’enquête alerte sur la fragilisation psychologique et mentale des jeunes générations.

Les chercheurs constatent une perte de motivation et une fatigue au long cours dans le monde du travail. Au-delà des débats anecdotiques sur la « grande démission » qui n’en est pas une, ils mettent en avant le nombre élevé de démissions. Elles s’expliquent d’abord par un effet de rattrapage. De plus, le dynamisme du marché du travail actuel, avec un assez faible taux de chômage et des postes à pourvoir, favorise également les démissions. Ces nombreuses démissions sont aussi le reflet d’un état de mal-être parmi les salariés français, qui disent plus que la moyenne des actifs européens être en manque de reconnaissance depuis plusieurs années déjà.

Mais selon les enquêteurs il faut aller au-delà. Ils évoquent l’accélération de la modification du rapport au travail des Français, Durant la pandémie, près de 11 millions de salariés ont été mis en chômage partiel, période au cours de laquelle beaucoup se sont interrogés sur le sens de leur travail. Dans les secteurs peu rémunérés, où les contraintes horaires sont pesantes et où la pénibilité des tâches ou de l’environnement de travail est importante, toute une partie des salariés n’ont pas repris leur poste. Pour tous l’irruption du télétravail (en 2021, en moyenne chaque semaine, 22 % des salariés ont télétravaillé selon l’INSEE) constitue un autre facteur de modification du rapport au travail.

En conclusion, l’enquête montre que les salariés français sont moins enclins à se donner corps et âme au travail et qu’une forte minorité a clairement perdu en motivation (environ 37%). Cette proportion correspond à peu près aux 42% d’actifs se déclarant plus fatigués qu’avant la pandémie. Au fil des questions, « on voit donc émerger un bloc de 35% à 40% d’individus, dont le moral ou la condition physique ont été affectés depuis la pandémie ». Les Français demeurent attachés à leur travail mais celui-ci occupe une place beaucoup moins centrale dans leur vie qu’au début des années 1990.

Dans ce contexte le chantier sur le Travail, ouvert sous l’égide du ministère du Travail, a toute sa pertinence. Nous y reviendrons.


Sources