1. Accueil
  2. > Europe, Monde
  3. > #Dialogue social
  4. > Négociation sur la révision de la Directive sur les (...)

Négociation sur la révision de la Directive sur les Comités d’entreprise européens (CEE) : Oui + Non = Non

samedi 11 novembre 2023

Rappel

En février 2023 le Parlement européen adoptait très largement un Rapport d’initiative législative demandant à la Commission européenne de proposer une révision de la Directive sur les Comités d’entreprise européens adoptée en 1994, objet d’une première révision en 2009 (https://www.clesdusocial.fr/comites-d-entreprise-europeens-une-revision-necessaire-mais-problematique). Une première phase de consultation a été lancée en avril posant la question aux partenaires sociaux de l’opportunité de cette révision. Cette consultation s’est terminée fin mai. Sans surprise, la Confédération européenne des syndicats s’est prononcée pour la révision et le patronat BusinessEurope contre cette révision, constant à son opposition radicale à cette Directive. La deuxième phase de consultation lancée en juillet s’est terminée fin octobre. Dans cette seconde consultation la Commission, exprimant sa volonté de prendre une initiative législative, demandait aux partenaires sociaux s’ils souhaitaient ouvrir une négociation. L’un a dit oui, l’autre a dit non et ce n’est pas celui qu’on croit…

Fin de partie

La deuxième phase de consultation des partenaires sociaux vient donc de se terminer. Le patronat européen, constatant la volonté de la Commission d’aller de l’avant pour une révision législative et voulant éviter toutes nouvelles mesures juridiquement contraignantes, a écrit au Commissaire Nicolas Schmit pour annoncer sa volonté d’ouvrir une négociation avec la CES. En même temps il envoyait une lettre à Esther Lynch, la secrétaire générale de la CES pour lui annoncer que le Conseil des présidents de BusinessEurope avait « autorisé » (sic) l’organisation patronale à proposer l’ouverture d’une négociation à la CES, « notre principal objectif (dixit le patronat) serait de trouver un accord sur des amendements à la Directive qui amélioreraient le fonctionnement des CEE »… Quand on se rappelle que le patronat européen écrivait qu’une révision de la Directive serait « un nouvel exemple négatif d’une initiative réglementaire de l’UE qui nuirait profondément à la compétitivité des entreprises », on voit le peu de marges d’améliorations possibles… Améliorer le fonctionnement des CEE pour BusinessEurope se limiterait à des recommandations ou un code de conduite mais à rien de contraignant.

La CES ne s’y est pas trompée en adoptant sa réponse à la deuxième consultation à son Comité exécutif de Madrid des 27/28 septembre. La CES rappelle tout d’abord ses exigences pour améliorer la Directive : l’accès à la justice et des sanctions réellement dissuasives pour non-respect des termes de la Directive et/ou de l’accord CEE ; un droit d’injonction pour suspendre toute décision de la direction si celle-ci n’a pas tenu compte des droits à la consultation du CEE ; le renforcement et l’élargissement du rôle des experts nommés par les syndicats ; une meilleure définition des droits à l’information et à la consultation avant une décision (droit préalable) ; limitation de la clause de confidentialité ; la garantie des moyens financiers et matériels au travail des CEE ; la fin des dérogations aux accords antérieurs à la Directive de 1994 pour garantir les mêmes droits à tous les accords. Il faut dire que le patronat européen est radicalement opposé à ces améliorations !
La CES en rappelant son engagement pour le Dialogue social européen rappelle également les réponses du patronat à la première phase de consultation et ses propos publics contre toute amélioration juridique de la Directive. De même la plupart des organisations patronales affirment qu’aucune révision n’est nécessaire et affirment même que les problèmes décrits par la Commission n’existent pas ! La CES en conclut qu’elle ne voit pas ce que la négociation apporterait de substantiel.

Considérant dès lors qu’il y a urgence, elle presse la Commission d’adopter une proposition de révision législative pour assurer des améliorations durant cette législature. Elle répond donc négativement à la proposition de négociation du patronat. L’ouverture d’une négociation dont l’issue est plus qu’incertaine, surtout quand on voit le blocage patronal dans la négociation en cours sur le droit à la déconnexion des télétravailleurs, serait pour la CES un risque énorme d’enterrement de la révision de cette Directive si importante.

Et maintenant…

La balle est dans le camp de la Commission car le refus de négociation d’un des partenaires sociaux entraine la reprise de l’initiative législative. Tout dépendra donc de la rapidité de proposition de la Commission. On sait que, passée la fin de l’année, plus aucune initiative législative ne pourra être mise sur la table du Conseil et du Parlement européen. Nicolas Schmit, le Commissaire aux Affaires sociales a certainement déjà fait travailler ses services pour produire un texte rapidement mais sa proposition devra passer par le Collège des 27 Commissaires et il ne fait pas de doute que le patronat européen va encore exercer un lobbying forcené pour entraver ou retarder la proposition. Le compte à rebours est lancé !

En janvier 2024 la Présidence belge de l’Union européenne a décidé, avec la Commission européenne, d’organiser un Sommet du dialogue social à Val Duchesse, le lieu où ce dialogue social européen a été lancé le 31 janvier 1985 par Jacques Delors, alors Président de la Commission européenne. Ce rendez-vous sera important pour mesurer l’engagement des partenaires sociaux, pas seulement pour papoter, pour être de véritables acteurs de la construction d’un ordre normatif conventionnel complément indispensable à l’ordre législatif.