1. Accueil
  2. > Société
  3. > Inégalités, discriminations
  4. > Pourquoi la baisse du chômage ne fait plus reculer la (…)
Les clés du social : Pourquoi la baisse du chômage ne fait plus reculer la pauvreté ?

Pourquoi la baisse du chômage ne fait plus reculer la pauvreté ?

Publié le 18 juin 2025 / Temps de lecture estimé : 3 mn

Entre 2015 et 2022, le taux de chômage baissait de 3 points mais le taux de pauvreté monétaire (au seuil de 60 % de la médiane des niveaux de vie) et le taux de privation matérielle et sociale sont restés à un niveau élevé (de 13,9 % en 2015 à 14,4 % en 2022), après avoir enregistré un pic à 14,5 % en 2021, niveau inégalé depuis 25 ans.

Une étude du CNLE (Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale) met en exergue ce paradoxe. Pour sortir de la misère, l’emploi ne suffirait plus ? Le CNLE avance trois explications :

  • Certains des emplois créés n’ont pas entraîné de sortie de la pauvreté ;
  • La dégradation de la situation des inactifs retraités ou invalides ;
  • Un niveau de vie des ménages les plus modestes qui a moins progressé que le seuil de pauvreté monétaire.

Il faut distinguer deux périodes :

  • Un premier temps, entre 2015 et 2018, la pauvreté laborieuse s’est accentuée. De plus en plus de salariés ont eu du mal à joindre les deux bouts, avec la précarisation du marché de l’emploi, la hausse des contrats temporaires et des temps partiels : la part de l’intérim et des CDD est passée de 10,7 % en 2014 à 12,2 % en 2017.
  • À partir de 2018, la situation des salariés commence à s’améliorer (création d’emploi, meilleure qualité du travail). Mais les indépendants prennent le relais : leur part dans l’emploi progresse de 1,6 point entre 2015 et 2022. Beaucoup de micro-entreprises voient le jour.

Nouvelles structurations du marché du travail : en 2022, un micro-entrepreneur sur deux gagne moins de 371 euros par mois. (c’est 164 euros pour les pluriactifs). Cette activité vient souvent en compléter une autre. Le nombre de créations d’emploi de micro-entreprises a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 18 % entre 2015 et 2022, rajeunissant cette population de non-salariés. Ce statut est instable (1/3 travaillent toujours sous ce statut 5 ans après).

Le taux des indépendants a augmenté depuis 2017, passant de 17,2 % à 18,3 % (INSEE). Même les emplois stables se précarisent. De plus en plus de CDI sont rompus avant la fin de leur période d’essai, que ce soit à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Plus d’une embauche d’un emploi sur cinq en CDI s’avère être un emploi de courte durée (15,7 % en 2015).

  • L’essor de l’apprentissage (16,1 % en 2015 à 19,4 % en 2020) a profité en grande partie à des étudiants qui vivaient déjà au-dessus du seuil de pauvreté avant d’être en emploi.
  • L’apprentissage s’est substitué aux formes traditionnelles de contrats aidés, qui visaient des publics plus défavorisés et dont le nombre a diminué de plus de la moitié entre 2015 et 2022.
  • Le taux de pauvreté monétaire des travailleurs sous contrats temporaires s’accroît de 4 points en 2018 pour retrouver son niveau initial de 15 % en 2022.
  • Le taux de pauvreté monétaire des travailleurs à temps partiel s’élève d’un point en 2018 avant de connaître un recul de 4 points.

La situation des inactifs s’est dégradée avec l’augmentation du « halo du chômage » qui a concerné entre 2015 et 2022 plus d’1,8 million de personnes, titulaires du RSA (revenu de solidarité active), allocation de solidarité spécifique, minimum vieillesse, personnes souffrant d’un handicap ou de maladie chronique dans l’incapacité de travailler.

  • La hausse du taux de pauvreté des retraités (de 7,6 % en 2017 à 10,8 % en 2022). Jusqu’en 2015, la pension moyenne des retraités augmentait d’année en année à un niveau supérieur à l‘inflation par le seul renouvellement générationnel. Les jeunes retraités disposaient de carrières plus complètes et de salaires plus élevés et ils ont pu bénéficier de la montée en charge de droits familiaux, des minimas sociaux et des régimes complémentaires obligatoires. Ce n’est plus le cas. Depuis 2017, la pension des nouveaux retraités est légèrement inférieure à celle de l’ensemble des retraités.
  • Pour les personnes invalides, le taux de pauvreté est passé de 26,8 % en 2015 à 36,7 % en 2022

Évolution du niveau de vie des plus modestes : toutes les catégories sociales ont vu leur niveau de vie progresser entre 2015 et 2022, mais ce mouvement a été moins favorable pour celles et ceux qui se situent en bas de l’échelle sociale. Les niveaux de vie du bas de la distribution ont moins augmenté que le niveau de vie médian. Les aides pour « rendre le travail payant » ont augmenté (prime pour l’emploi) mais les aides sociales ont baissé.

  • Les transferts sociaux sont de moins en moins efficaces pour contrer ces inégalités. Baisse des prestations sociales et des aides au logement.
  • Les municipalités font de plus en plus le choix pour des logements sociaux intermédiaires excluant les plus pauvres.
  • En 2022, les transferts réduisent le risque de pauvreté de 0,4 point de moins qu’en 2015 et permettent à environ 400 000 personnes de moins de franchir le seuil monétaire.

Pour le CNLE, le plan budgétaire et structurel à moyen terme « surestime les effets de la baisse du chômage sur la pauvreté ». S’inquiétant des réformes en cours sur « les conditions de vie des personnes modestes et vulnérables », il appelle à mettre en place « un droit à l’emploi, porté au niveau européen, à rendre effectif le droit au logement et plus principalement à améliorer l’accès aux droits pour les plus précaires ».


Référence