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Sens du travail et Covid-19

samedi 28 août 2021

Une enquête récente a interrogé les salariés sur les bouleversements (ou pas) apportés par la pandémie de Covid-19 à leur rapport au travail. Les résultats peuvent sembler déroutants. Ceux qui ont le plus de responsabilités sont ceux qui interrogent le plus le sens de leur travail. Alors qu’à contrario, les salariés dont la situation apparait plus fragile ont trouvé du sens à leur travail. Quoiqu’il en soit une majorité se déclare peu impactée voire en situation d’amélioration. Décryptage.

Une enquête menée par la médecine du travail et des chercheurs

L’enquête présentée par le CEET (centre d’études de l’emploi et du travail) s’appuie sur le dispositif Evrest, mis en place en 2007 à l’initiative de médecins du travail et de chercheurs dans l’objectif de récolter des informations concernant le travail et la santé des salariés du secteur public et privé. Les salariés répondent à un questionnaire présenté par les médecins ou les infirmiers volontaires lors des entretiens périodiques de santé au travail. Les résultats présentés sont issus des questionnaires recueillis entre le 1er octobre 2020 et le 30 avril 2021, soit 3 029 salariés. Cette étude a été complétée par une enquête sur le vécu du confinement des familles.

Covid-19, organisation du travail et sens du travail

De nombreuses enquêtes dont nous avons rendu compte ont interrogé les changements dans l’organisation du travail des salariés. Au gré des différents épisodes de la crise sanitaire (confinement, télétravail, inégalités par rapport à l’exposition au virus, couvre-feu…), les situations de travail des salariés ont plus ou moins évolué et de nombreuses inégalités ont émergé. Cela a-t-il entrainé aussi un bouleversement du rapport au travail des salariés ? Certainement, d’après les chercheurs du CEET, mais sans généralisation car l’étude montre des effets inégaux et contrastés, en particulier selon le genre et « la classe sociale » (CEET) des salariés.

Seuls 10 % des salariés déclarent que leur travail a perdu du sens

Parmi ces 10 %, les femmes cadres et les professions intermédiaires de plus de 40 ans sont surreprésentées. Elles appartiennent majoritairement au secteur des services ou de l’administration, santé et action sociale. Si elles sont stables dans leur emploi, elles vivent une intensité au travail relativement élevée, en traitant trop vite une opération, en dépassant souvent leurs horaires, en sautant des repas…
Autres caractéristiques, leur autonomie au travail est relativement moins importante que celle d’autres salariés, d’où des difficultés d’entraide, de capacité à articuler la vie professionnelle et la vie familiale et un manque de reconnaissance de la part de l’entourage professionnel. Enfin, elles sont plus nombreuses à effectuer du télétravail et se plaignent de la difficile articulation des activités au sein d’un même lieu. Cette perte de sens du travail est plus forte chez les femmes.

Une majorité de 61 % déclare que leur rapport au travail n’a ni perdu de son sens, ni gagné en intérêt du fait de la crise sanitaire

Il s’agit plutôt des hommes contremaitres et ouvriers qualifiés, âgés entre 30 et 40 ans du secteur de l’industrie et du bâtiment. Ils connaissent une intensité au travail modérée, peu de dépassement d’horaires, respectant les repas et accomplissent leur tâche sans être interrompus. À noter qu’ils connaissent des contraintes physiques importantes (postures contraignantes, port de charges lourdes) et avouent un manque de reconnaissance et des contraintes dans leurs manières de procéder au travail. Ils sont relativement souvent sur site et ont été peu concernés par le télétravail. Leur relative stabilité et leurs conditions de travail moins impactées que d’autres par la crise sanitaire les amènent à déclarer un rapport au travail inchangé.

29 % déclarent que leur travail a gagné en intérêt

Il s’agit plutôt de femmes employées, de moins de 30 ans, ayant plus souvent des conditions d’emploi précaires dans les secteurs dits « essentiels » comme ceux du commerce, de l’administration, de la santé et de l’action sociale. Elles connaissent au travail une intensité variable (dépassement fréquent des horaires, repas sautés). Elles ont souvent des postures contraignantes et des gestes répétitifs, mais bénéficient d’une autonomie relativement importante. Et leur activité alterne travail sur site et télétravail. Ces secteurs et métiers concernés bénéficient d’une relative reconnaissance sociale, contrairement aux situations précédentes où les conditions de travail étaient centrales.

Une analyse des résultats

Pour les chercheurs, les résultats présentés laissent entrevoir un rapport au travail inégalement modifié selon « la classe sociale », mais avant tout selon le genre. Ainsi, le rapport au travail des hommes ouvriers est relativement moins impacté par la pandémie au regard des femmes cadres, des professions intermédiaires et des employées. Mais, pour eux, les résultats questionnent également l’importance de la reconnaissance symbolique de leur travail, qui apparaît comme un facteur essentiel de leur rapport personnel à leur travail.
Ce mouvement durera-t-il alors que le pays est entré dans une quatrième vague pandémique et que la reconnaissance des métiers de la deuxième ligne patine ?


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