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Télétravail

jeudi 19 août 2010

Télétravail : un essor tardif et limité

La France se distingue une fois encore des autres pays. Même si les statistiques ne sont pas encore vraiment stabilisées, on sait que seulement autour de 7 % des salariés français font du télétravail au moins un jour par semaine, contre 20 à 25 % au Danemark ou aux USA, 13 à 16 % dans un groupe de pays où l’on trouve l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et une moyenne de 8,3 % dans l’Union européenne. Peu à peu depuis 20 ans, le télétravail progresse en France, régulièrement mais lentement.

Pourtant le télétravail a fait l’objet d’un accord entre partenaires sociaux européens en 2002 et d’un accord de transposition en France en 2005. Donc l’encadrement conventionnel existe. Mais, jusqu’à présent, rien n’a été repris au niveau législatif, il y a donc une insécurité juridique. Et des pratiques variées se développent, avec ou sans accord pour les organiser. Ce qui fait que beaucoup de situations sont informelles, sans garanties, sans formalisation sur le contrat de travail, des zones de non droit.

Cela renvoie les problèmes ou les conflits au plan judiciaire. La chambre sociale de la Cour de Cassation a d’abord défini le caractère volontaire du télétravail, le salarié n’étant pas tenu de l’accepter (arrêts du 2 octobre 2001 et 3 novembre 2004) ; également son caractère contractuel entre employeur et salarié, l’employeur ne pouvant mettre fin unilatéralement au télétravail convenu avec un salarié (arrêts du 13 avril 2005 et 31 mai 2006). Un arrêt récent définit le fait que l’occupation partielle d’un domicile privé à des fins professionnelles est une immixtion dans la vie privée et que le salarié, qui n’est pas tenu d’accepter, doit être, s’il consent à cette situation, indemnisé de cette « sujétion » et des frais occasionnés.

Portrait robot du télétravailleur

Contrairement à l’image qu’on pourrait en avoir, le télétravail n’est pas l’affaire de femmes ayant des enfants en bas âge qu’elles souhaitent garder à la maison tout en exerçant des tâches de secrétariat, ni de seniors. Le télétravailleur est majoritairement un homme (57 %), avant tout cadre ou ingénieur (près de 50 %), le télétravail étant plus facile pour un salarié ayant une forte autonomie ; s’ajoutent, pour un tiers des télétravailleurs, des membres des professions intermédiaires, techniciens en particulier.

Le télétravail est généralement partiel, souvent nomade, très rarement à plein temps au domicile (1 % des salariés). On y recoure dans la moitié des entreprises de services TIC ou financiers, surtout dans les entreprises de plus de 250 salariés ; très peu dans la construction, le commerce de détail, les transports, l’hôtellerie-cafés-restaurants, dans les TPE et PME, encore moins dans le secteur public.

Dans cette description, au contraire, la France ressemble aux autres pays européens, à l’exception des services publics où le télétravail est particulièrement développé pour les fonctions administratives publiques dans les autres pays.

Les causes de cette faiblesse

Il y a, bien entendu, des raisons personnelles : beaucoup de salariés français méconnaissent le télétravail et quand ils le connaissent semblent moins attirés que dans les autres pays (54 % contre 66 % dans l’UE à 15 et 77 % en Belgique). Est-ce qu’ils ne correspondent pas au profil du salarié autonome aimant travailler seul loin d’un collectif de travail ? Une insuffisance de préparation ? De toute façon, le télétravail ne convient pas à tous les postes ni à tous les profils de salariés.

L’autre explication tient à l’absence d’organisation collective de cette question. Outre le mutisme du code du travail, seule une vingtaine d’accords d’entreprise existeraient et pratiquement pas d’accord de branches, à l’exception des télécoms. Les rapports du télétravailleur à son entreprise sont donc rarement organisés. Il existe bien du télétravail « sauvage », sans aucune existence officielle (ni contrat de travail, ni accord d’entreprise), certainement assez répandu, parfois subi. Mais l’absence de cadrage officiel par la négociation décentralisée rend difficile son développement. De plus, l’impréparation des managers leur fait craindre de perdre la proximité du contrôle de leurs collaborateurs.

On voit bien là la différence de la France avec ses voisins où le télétravail est officiellement organisé. D’une part, l’implication de certains gouvernements incite à l’essor : par exemple aux Pays-Bas, les charges sociales sont réduites pour ces emplois, afin d’aider à l’emploi de groupes sociaux marginalisés et de limiter le trafic routier et les émissions de CO2. Et surtout, des accords nationaux ont existé dès avant l’accord européen : dès 1995 chez Deutsche Telecom puis dans d’autres firmes allemandes, en 1997 dans la branche autrichienne du pétrole, également dans le secteur public territorial en Suède… et se sont multipliés.

D’autre part l’étude d’Eurofound (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail) montre que le télétravail est particulièrement développé dans les pays où des accords ont été signés dans les entreprises et les branches. Cela confirme bien que l’essor du télétravail en France ne pourra se faire sans développement de la négociation sociale dans les entreprises et les branches. L’implication du management est décisive, notamment en négociant des droits adaptés. L’absence de droits peut expliquer l’absence d’usage.

Dans ces accords, on retrouve des clauses réglant le caractère volontaire et contractuel du télétravail, le temps et la charge de travail, les plages horaires et la protection de la vie privée, la santé et la sécurité, l’accès à la formation, l’égalité de traitement et des droits collectifs avec les sédentaires, ainsi que le financement des matériels et frais occasionnés et le suivi du dispositif par les instances représentatives. Et les syndicats sont particulièrement vigilants à éviter l’isolement des télétravailleurs, les risques du « workaholic » et à rendre possibles l’information et les moments de rencontre.

C’est parce qu’il y a lisibilité et garanties que le télétravail s’y développe.


PS :

Des exemples de contrats de travail et d’accords se trouvent sur le site : http://teletravail.enquete.free.fr/