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UE : un succès au forceps !

mercredi 29 juillet 2020

L’accord du 21 juillet est sans aucun doute un succès historique. Historique par le montant du plan de relance, historique par la décision d’un emprunt commun et la mutualisation d’une partie de la dette, historique par l’importance de la solidarité vis-à-vis des pays les plus touchés par la crise sanitaire, économique et sociale. Mais, sans faire la fine bouche, ce succès a eu un prix et pas seulement financier.

Pourquoi un succès historique

Le point de départ de la négociation proposé par la Commission et soutenu par la France et l’Allemagne, était un plan de 750 milliards dont 500 milliards de subventions et 250 milliards de prêts. Si le montant global a été acquis, la répartition, le mode financement et les contreparties ont été des éléments de décision primordiaux comme on le verra ci-dessous. Le blocage en juin de quatre États membres (Autriche, Pays-Bas, Suède, Danemark) menés par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte portait sur ces points, sans compter à l’opposé des pays comme la Pologne et la Hongrie n’acceptant pas de conditionnalité sur les versements de l’UE en particulier sur « l’État de Droit ». Malgré ces oppositions un plan ambitieux a pu être accepté avec 750 milliards au total dont 390 milliards de subventions et 360 milliards de prêts. Ce qui a fondamentalement changé positivement, au-delà de la discussion de marchands de tapis sur la répartition des montants, c’est la capacité de l’UE à décider un emprunt commun mutualisé pour financer ce plan. C’est une grande première, la bande des quatre s’opposant, au départ, à ce principe. La question des ressources propres de l’UE reste posée comme élément de capacité de financement du plan et de son remboursement (en 2027). Il y a urgence à agir pour mettre en œuvre ce plan de relance et en particulier dégager les fonds prévus.

Baby-Thatcher et la bande des quatre

Il aura fallu 92h de négociations (deuxième négociation la plus longue depuis la création de l’Union européenne (à 20 mn du record de la négociation de Nice en 2000). La bande des quatre mené par « Baby Thatcher Rutte » a réussi un joli hold-up sur le budget communautaire. Dans la lignée de Margareth Thatcher “I want my money back” ils ont réussi à obtenir une réduction de leur contribution au budget communautaire alors que le principe même de l’UE est que certains pays payent plus qu’ils ne reçoivent, ce qui assure les moyens de la solidarité entre les pays. La bande des quatre a ainsi, par une négociation habile et dure, digne de la méthode britannique, réussi à baisser, en même temps, leurs contributions au budget, à réduire le montant des subventions non remboursables et à affaiblir le prochain budget en obligeant la Commission à réduire plusieurs de ses projets. Ils ont joué sur tous les tableaux, à la méthode anglaise : on règle un point, on croit avoir un accord et on recommence avec un autre point, on fait croire que c’est OK mais on rajoute un autre point… C’est une méthode efficace !
Heureusement la bande des quatre n’a pas réussi à imposer le droit de veto sur les subventions même si, ce qui est normal, un contrôle sera effectué. Par contre la défense de l’État de Droit (sur laquelle, comme conditionnalité des subventions, les quatre avaient été rejoints par la Finlande) n’a pas pesé lourd par rapport au marchandage sur les montants du Plan…

Au-delà du succès, des abandons préjudiciables

L’accord sur le budget communautaire (2021-2027) devait être adopté conjointement au Plan de relance. Les contraintes imposées, en particulier par la bande des quatre, a conduit la Commission à réduire des projets pourtant plus qu’essentiels comme ceux sur la santé (projet EU4Health), sur la transition climatique et principalement sur la recherche et l’innovation, point clé de l’avenir de l’Europe. Comme l’a dit le Président du Centre Jacques Delors de Berlin « Couper dans la santé, la recherche et la transition climatique, ce n’est pas frugal, c’est stupide » …

Sur l’État de Droit, qui a été introduit dans la négociation dans le projet de la Commission, la Hongrie avait déclaré qu’elle mettrait son veto si cette condition était maintenue. Si l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Finlande souhaitaient cette clause, la France et l’Allemagne ne souhaitaient pas faire capoter le plan sur ce point. Une formule vague a été trouvée qui ne résout rien. Quand on voit l’évolution de la situation en Pologne par rapport à la justice et dernièrement avec la dénonciation de l’accord d’Istanbul sur la violence faite aux femmes ou la situation en Hongrie avec le bâillonnement de la presse libre, combien de temps encore va-t-on supporter et tergiverser sur ces atteintes à des valeurs fondamentales de l’Union européenne ?

Rendez-vous en septembre

Si tout le monde se réjouit du succès du plan de relance, syndicats compris, la réduction du budget communautaire sur les projets essentiels a provoqué la colère du Parlement européen que la CES a appuyée. Le PE a déjà adopté une résolution à une très large majorité (465 contre 150) pour marquer son désaccord avec le budget proposé par les Chefs d’États et de Gouvernements. Sachant que le budget de l’UE doit être adopté par une codécision entre le Conseil et le PE cela promet un sacré bras de fer à la rentrée. L’affaire n’est donc pas close…