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Une femme sur 10 quitte son emploi pendant sa grossesse

samedi 23 juillet 2022

Le CNAM/CEET nous fait progresser dans la connaissance de l’emploi et de son fonctionnement. Son dernier rapport étudie les sorties de l’emploi pendant la grossesse en mettant en avant l’imbrication du genre, de la migration et de la situation sociale malgré les lois protectrices de notre pays. Il nous alerte sur des chiffres trop élevés.

Des lois et une règlementation qui protègent mais…

Si les changements professionnels après l’arrivée d’un enfant sont désormais bien connus et étudiés par les experts, on sait peu de choses sur ce qu’il se passe en amont de la naissance. Nous savons que la loi française prévoit des mesures protectrices pour les salariées enceintes mais les éclairages du CNAM/CEET interpellent car ils mettent en lumière les nombreuses difficultés vécues par les femmes enceintes pendant leur grossesse.

Des chiffres alarmants : le taux d’emploi est plus faible parmi les femmes qui deviennent mères. Il est d’environ 70 % pendant la grossesse et de 65 % pour les femmes qui viennent d’accoucher, contre 75 % en moyenne pour les femmes âgées de 24 à 49 ans.

L’imbrication des inégalités

Certaines difficultés vécues par les femmes sont liées à l’organisation même de leur emploi ou de leur collectif de travail : non-respect du droit du travail en termes d’aménagement du poste ou du temps de travail (les dossiers aux prud’hommes et le baromètre de la perception des discriminations au travail le confirment), retrait de certaines responsabilités, non-renouvellement de contrat et, dans les cas les plus extrêmes, rupture du contrat de travail.

Pour d’autres, les questions de santé sont primordiales et en particulier la nécessité de limiter ou d’interrompre son activité pour préserver sa santé ou en prévision de la charge de travail parental.

D’autres difficultés viennent du poids de la condition sociale, du genre et aussi de la division du travail au sein du couple, des discriminations ethno-raciales et parfois des violences d’après l’auteure du rapport. Pour elle, les sorties d’emploi pendant la grossesse seraient révélatrices de l’imbrication des inégalités.

Qui sont les femmes concernées ?

Les sorties d’emploi concernent d’abord les femmes peu qualifiées, qui occupent des postes d’exécution, qui ont des revenus faibles ou qui sont migrantes.

En 2016, les sorties d’emploi concernaient 20 % des femmes occupant des emplois ouvriers et de service, contre 13 % des femmes employées, 6,5 % de celles occupant des professions intermédiaires et 5 % des cadres et des indépendantes. Lorsque l’on se penche sur les revenus du ménage : plus de 50 % de celles dont le ménage gagne moins de 500 € par mois sortent de l’emploi, contre 25 % de celles dont les revenus du ménage sont compris entre 1 500 et 2 000 € par mois, et 5 % de celles dont les revenus du ménage sont compris entre 3 000 et 4 000 € par mois.

Les salariées étaient deux fois plus concernées par les sorties d’emploi (11 %) que les indépendantes (5 %). Les femmes qui travaillaient à temps partiel étaient plus nombreuses à sortir de l’emploi (16 %) que celles travaillant à temps plein (9 %).

En 2016, 1,8 % des femmes interrogées avaient déclaré avoir subi des violences physiques pendant leur grossesse. Celles-ci étaient moins souvent en emploi que les autres (54 % versus 70 %). On sait que la grossesse peut être un moment de déclenchement ou d’exacerbation des violences conjugales.

Enfin, les femmes migrantes sont surreprésentées parmi celles qui sortent de l’emploi pendant la grossesse : 15 % des femmes nées à l’étranger sont sorties de l’emploi, contre 10 % des femmes nées en France.

Conclusion

Les sorties d’emploi pendant la grossesse sont loin d’être négligeables puisqu’elles concernent une femme active occupée sur dix. Ces sorties ne correspondent ni à un retrait du marché du travail (devenir femme au foyer) ni à une reconversion (reprendre des études). En effet, près de 9 femmes sorties de l’emploi sur 10 se déclarent au chômage ou à la recherche d’un emploi. Le non-emploi serait donc pour elles une situation par défaut en attendant une reprise d’activité rémunérée.

Les difficultés et les problèmes mis en lumière par ce rapport méritent une attention soutenue des partenaires sociaux et des pouvoirs publics et appellent à des solutions pour une meilleure prise en compte des besoins et des droits des femmes enceintes dans le monde du travail et …en dehors.

L’interdiction du licenciement pour les femmes enceintes ne vaut que pendant la période de congé (prénatal et postnatal) et dans les dix semaines qui suivent la naissance.

L’interdiction du licenciement pendant dix semaines suivant la naissance vaut aussi pour les pères.


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