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Dialogue social : on ne négocie pas sur ordre !

mercredi 28 janvier 2015

Après l’échec des négociations sur l’adaptation du dialogue social, revenons sur ce qui s’est passé et essayons de parler clair.

Ces négociations se sont ouvertes sur demande du gouvernement soucieux de donner des gages à la frange du patronat qui incrimine avec constance les contraintes de notre système social, censé être à la source du manque de dynamisme et de compétitivité des entreprises.

Les bien malencontreuses déclarations sur l’effet négatif des seuils sociaux ont suscité de vives réactions qui ont conduit à renvoyer la balle aux partenaires sociaux, tout en menaçant de faire à leur place en cas d’échec des négociations… Il y a des conduites aux fonts baptismaux plus propices !...

Ainsi lancée la demande aux partenaires sociaux de négocier, ceux-ci ont abordé un grand nombre de sujets avec peu de temps, en contradiction avec l’ampleur du champ à négocier, les répercussions sur de nombreux points de la réglementation du travail et sans le temps d’une véritable préparation.

Les confédérations de salariés ont néanmoins joué le jeu en acceptant d’ouvrir des discussions et en faisant des propositions. Elles ont dans l’ensemble accepté l’idée qu’il était utile de simplifier notre système complexe de représentation du personnel et de dialogue social. Mais elles ont aussi demandé qu’on traite tous les « manques » du système et notamment de l’exclusion des TPE du dialogue social organisé.

Le patronat a pour sa part campé sur sa revendication de mise à plat complète des IRP, en n’hésitant pas à aller à l’excès par la mise en cause du CHSCT, alors que le rôle et le travail de cette instance sont unanimement plébiscités. Il s’est également empêtré dans ses contradictions internes entre MEDEF et CGPME, en refusant toute ouverture véritable sur le dialogue social dans les TPE.

Voyons les choses froidement :
La complexité des sujets abordés (80 ans de stratification juridique des IRP) supposait un engagement approfondi du patronat sur la place du syndicalisme de salariés ; sa réflexion à ce sujet reste insuffisante, voire toujours empreinte de défiance.

Le décrochage de la CGT et de FO ont été très invalidants. Sur un sujet d’une telle importance, alors qu’un accord n’aurait pas de force juridique sans être repris dans la loi, on voit mal comment, en l’absence d’une très large majorité de signatures syndicales (au-delà des 30% d’audience minimum requise), la suite pourrait être solidement assurée. Le gouvernement aurait tort de légiférer, inventant un compromis impossible, dès lors que la négociation a échoué. Mieux vaut le statu quo qu’une crise sur le terrain autour d’une mauvaise loi.

Faut-il le regretter ? Oui et non.
Non, car on voit mal comment dans le climat économique et politique maussade du moment les partenaires sociaux seraient en capacité de s’entendre au travers de dispositions législatives, là où jamais dans notre histoire sociale ils n’ont réussi à le faire en face à face.

Notre système d’IRP et de négociation a été exclusivement créé par voie législative, gouvernements et parlements étant sollicités pour surmonter l’incapacité des partenaires sociaux à s’entendre sur ce qui pourtant devrait leur appartenir en propre : l’organisation et la conduite de leurs relations. Quel paradoxe !

Oui, cependant, on peut avoir des regrets. Car à demander à la loi de tout faire en détail, alors qu’ailleurs on réussit mieux en ne lui donnant qu’un rôle de principe ou de cadre (notamment dans les pays nordiques et l’Allemagne où le dialogue social est le plus nourri) on aboutit à un système certes protecteur et ambitieux, mais d’une complexité excessive et donc d’une application limitée. De plus, cela renforce l’idée que le dialogue social est facultatif.
Comment ne pas rappeler que ce système, stratifié et complexifié au fil des interventions législatives, ne fonctionne qu’au prix d’un cumul généralisé des mandats, d’un enchevêtrement des compétences des instances et d’un épuisement fréquent des délégués. On est bien fréquemment au-delà des capacités syndicales et de la disponibilité ou des moyens patronaux pour l’assumer comme la loi l’a prévu.

Alors comment faire pour avancer ?
Attendre de l’Etat qu’il décide à nouveau à la place des premiers concernés serait prendre le risque de compliquer encore la réalité en créant des innovations imposées par les politiques, loin des besoins des praticiens de terrain.

Puisque les compromis ne se font pas au niveau national interprofessionnel trop sujet à la tactique et aux postures de principe, pourquoi ne pas offrir des ouvertures au terrain, dans l’entreprise où la raison et les intérêts bien compris des chefs d’entreprise et des salariés parviennent souvent à l’emporter ?

Si l’on pense qu’un système de dialogue social voulu et décidé en commun a plus de chance de marcher et de correspondre aux besoins de l’entreprise et aux attentes des salariés qu’un système imposé, alors donnons des possibilités de faire aux partenaires sociaux dans l’entreprise.

Il pourrait être prévu, dans cette ligne, que, par voie d’accord d’entreprise majoritaire (c’est-à-dire avec une majorité de signatures syndicales représentatives), et à durée déterminée pour voir ce que ça donne et en faire un bilan, il devienne possible de s’affranchir du cadre légal et de fixer les modalités d’organisation et d’action de la représentation du personnel et des modes de conduite du dialogue social.

À défaut de volonté de négocier ou en l’absence d’accord, la loi continuerait à s’appliquer dans toutes ses dispositions actuelles.

Que les syndicats et les chefs d’entreprise, en toute responsabilité, prennent en mains leurs propres relations comme ils pensent qu’il est le mieux de le faire ?...Serait-ce vraiment osé ?...

Mais cela laisse entière la faiblesse de dialogue social et de représentation des salariés des TPE, malgré la mise en place de commissions paritaires territoriales, prévue dans la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle et le dialogue social [1]. Certaines existent, ainsi que dans l’artisanat, issues de l’accord de ce secteur du 12 décembre 2001, étendu, malgré l’opposition du Medef et de la CGPME, en 2008 et ont montré qu’elles étaient utiles aux deux parties. Là comme ailleurs, les acteurs de l’entreprise doivent se saisir de ces outils.


Notes :

[1(*) Article 48
II. - L’article L. 132-30 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 132-30. - Des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles peuvent être instituées au plan local, départemental ou régional, par accord conclu dans les conditions prévues à l’article L. 132-2.