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Devoir de vigilance pour les entreprises : une mondialisation plus vertueuse

mercredi 19 avril 2017

Tous ceux qui n’ont pas oublié les 1 000 morts du Rana Plaza ont salué la décision du Conseil constitutionnel validant la loi du 21 Février 2017 sur le devoir de vigilance, désormais imposée aux entreprises françaises vis-à-vis de leurs sous-traitants et fournisseurs à l’étranger. C’est une première dans le monde immédiatement relayée par la société civile et les syndicats européens et internationaux. Ce texte marque une avancée historique vers le respect des droits humains et environnementaux par les entreprises multinationales.

Ce qu’est le devoir de vigilance

Le devoir de vigilance a été conçu en réponse à différents scandales comme la catastrophe d’avril 2013 au Bangladesh où un immeuble – le Rana Plaza – s’est effondré, entrainant la mort de plus de 1 000 salarié(e)s ou encore l’affaire du travail forcé sur les chantiers de la Coupe du monde de football au Qatar. Il a pour objectif de remettre le respect des droits de l’homme au cœur des préoccupations des multinationales. Il oblige les entreprises à s’assurer que leurs sous-traitants et fournisseurs à l’étranger respectent des engagements en matière de droits humains, de corruption, de libertés fondamentales et d’environnement.

La loi du 21 février 2017 instaure un plan de vigilance

La loi a vu le jour après près de 2 ans de débats et en dépit de l’opposition sénatoriale et patronale. Elle est la première au monde. Elle concerne toutes les sociétés qui emploient au moins 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde, en incluant leurs filiales, ce qui correspond environ à 150 entreprises. Ces entreprises devront mettre en place un plan de vigilance pour prévenir les manquements éthiques ou environnementaux de leurs sous-traitants et le rendre public. Cette vigilance concerne le travail des enfants, la sécurité, la mise en place d’un système d’alerte pour que les salariés puissent signaler des dysfonctionnements. Les plans de vigilance devront donc couvrir les sociétés contrôlées, les sous-traitants et les fournisseurs, partout dans le monde.
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En cas d’accident, les sous-traitants pourront engager la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre, s’ils peuvent prouver que le préjudice a un lien avec l’absence de plan de vigilance efficace. Seules les infractions aux critères établis dans le plan seront prises en considération afin d’éviter que les entreprises ne soient tenues pour responsables de toutes les dérives de leurs sous-traitants.

La loi est un pas vers l’économie socialement responsable et le concept de RSE. Une condamnation ne sera pas sans conséquence sur la réputation de l’entreprise concernée.

La saisine du conseil constitutionnel et sa décision

120 parlementaires LR ont saisi le Conseil constitutionnel. De son côté, le Medef a écrit au Conseil afin d’alerter sur ce texte. En cause : le montant des sanctions et la judiciarisation induite par la loi.

Par sa décision n° 2017-750 DC du 23 mars 2017, le Conseil constitutionnel, a jugé conformes à la Constitution « l’obligation instituée par la loi d’établir un plan de vigilance, le mécanisme de mise en demeure, la possibilité pour le juge de soumettre la société concernée à une injonction et la possibilité d’engager sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations ».

En revanche, compte tenu de l’imprécision des termes employés par le législateur pour définir les obligations qu’il créait, le Conseil constitutionnel « n’a pu admettre la constitutionnalité des dispositions instituant une amende ». Mais, même si le Conseil a censuré les dispositions du texte instituant une amende, sa décision confirme la possibilité d’engager devant le juge la responsabilité des entreprises concernées en cas de manquement à leurs nouvelles obligations.

Le long combat des syndicats et des ONG

Depuis de nombreuses années, nombre de syndicats et d’ONG œuvrent dans le sens du devoir de vigilance, on peut citer à titre d’exemple les différentes campagnes d’ « Ethique sur l’étiquette ». Aussi, par un communiqué commun, les organisations Action Aid-Peuples Solidaires, Amnesty International France, Amis de la Terre France, CCFD-Terre solidaire, CFDT, CGT, Collectif Ethique sur l’étiquette, Ligue des droits de l’Homme, Sherpa, membres du Forum citoyen pour la RSE se sont réjouies de la décision du Conseil.

La CFDT se félicite particulièrement « de la reconnaissance du rôle des organisations syndicales dans l’élaboration du dispositif d’alerte prévu par le plan de vigilance. C’est bien la légitimité des organisations syndicales en matière de protection des lanceurs d’alerte qui est reconnue ». Quant à la CGT, elle a déclaré que « la responsabilité des entreprises ne s’arrête pas à la porte de leurs propres usines ».

Un appel d’air pour la société civile en Europe et dans le monde

Historique, cette loi est une première étape en matière de régulation des activités des multinationales. 75 organisations de la société civile européenne, syndicats (dont la CSI et la CES), professeurs d’université, cabinets juridiques, issus de 16 pays, ont exprimé leur soutien à la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Leur déclaration indique que « l’Union européenne est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il est impératif de remettre les droits humains au centre de son projet politique et économique. Avec cette réforme, le gouvernement et le législateur français ont témoigné du courage politique et du leadership qui permettra de construire une nouvelle Europe ».

Au niveau international, depuis 2015, des négociations ont commencé à l’ONU en vue de l’élaboration d’un traité international contraignant sur les multinationales et les droits humains.


Sources

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