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Impact de la crise sanitaire sur les conditions de travail des salariés

mercredi 21 juillet 2021

Suivant les métiers, les statuts, les organisations du travail ou en encore les contacts avec le public, les bouleversements dans le monde du travail liés aux mesures restrictives appliquées durant la crise sanitaire ont eu un impact plus ou moins important sur les conditions de travail des salariés. Si, pour une majorité des travailleurs, la crise sanitaire n’a eu que peu d’impact sur leurs conditions de travail, pour 11 % d’entre eux elles se sont dégradées au point qu’un quart des travailleurs concernés déclarent être plus souvent « bouleversé, secoué, ému dans son travail ». Pour une très faible minorité, leurs conditions de travail se sont améliorées. C’est ce qui ressort de l’enquête menée par la DARES (le service statistique et des études du ministère du Travail) auprès de 17 216 actifs en emploi au cours du premier trimestre 2021.

Les analystes du ministère du Travail ont classé en quatre groupes les salariés selon l’impact de la crise : peu d’impact, intensification, dégradation et accalmie. L’enquête revient sur le lien entre la dégradation des conditions de travail et les contaminations ou la dégradation de l’état de santé des travailleurs.

Des évolutions contrastées sur les conditions de travail

Les travailleurs ressentent pour 26 % d’entre eux une hausse de l’insécurité de l’emploi, une montée des exigences émotionnelles (26 %), une intensification du travail (21 %), des exigences chiffrées accrues (18 %) ou encore une augmentation de la durée du travail (17 %) ou des horaires décalés (11 %). Toutefois, pour 18 % des travailleurs, le sens du travail a augmenté et pour 13 % ils ont acquis une plus grande autonomie.

Le groupe des travailleurs « pas d’impact »

54 % des travailleurs n’ont pas vécu de changement dans leurs conditions de travail. Seul fait notable d’évolution, l’insécurité de l’emploi qui a touché 19 % des travailleurs de ce groupe. Les travailleurs de ce groupe sont plus souvent des ouvriers, des employés, des hommes et des personnes de plus de 45 ans. Ils travaillent plus particulièrement dans l’agriculture, l’industrie, et la construction. L’activité y est plus « stable » selon la DARES. La plupart ont travaillé sur site. Pour ces travailleurs, l’application des gestes barrière n’a pas vraiment posé de problèmes et l’adaptation de l’organisation du travail au contexte sanitaire a été plutôt réussie.

Le groupe des travailleurs « intensification »

32 % des travailleurs ont constaté une intensification de leur travail. On y trouve particulièrement les personnels de santé ou d’action sociale, des enseignants ou personnels éducatifs mais aussi les travailleurs du commerce de détail. On trouve plus particulièrement des femmes, des cadres et des travailleurs des professions intermédiaires. Dans ce groupe il y a aussi beaucoup de télétravailleurs.

40 % d’entre eux ont subi une augmentation des « exigences émotionnelles », 33 % une intensification du travail, 25 % des exigences chiffrées et une augmentation de la durée du travail. Par ailleurs, le sentiment d’insécurité de l’emploi s’est aggravé pour 30 % de ces travailleurs. Contraints souvent à des horaires atypiques, ils ont eu plus de mal pour concilier vie familiale et professionnelle. S’ils sont assez nombreux (environ 70 %) à déclarer avoir pu disposer de moyens suffisants et adaptés pour travailler, le respect des gestes barrière semble les avoir gênés quand ils travaillaient sur site. Toutefois, pour un peu plus que la moyenne, ils ont trouvé une amélioration du sens donné à leur travail (23 %).

Le groupe des travailleurs « dégradation »

11 % des travailleurs ont constaté une forte dégradation des conditions de travail. Bien au-dessus des groupes précédents, les différents items retenus par l’enquête pour caractériser leurs conditions de travail sont parlants : 72% ont constaté une intensification du travail, une augmentation des exigences émotionnelles (66 %), une augmentation de la durée du travail (40%), une perte de sens au travail (41 %) avec des conflits de valeurs (43%) auquel s’ajoute pour 44% d’entre eux l’augmentation de l’insécurité dans l’emploi. Seul point positif, ils ont été plus autonomes avec des marges de manœuvre plus étendues qu’avant la crise pour 28 % d’entre eux.

Ces travailleurs sont plutôt des travailleuses, des secteurs de l’enseignement, des services bancaires et de l’assurance, des cadres et des professions intermédiaires avec beaucoup de télétravailleurs. Ouvriers, employés, commerçants et chefs d’entreprise sont peu présents dans ce groupe. Moins satisfaits que les autres groupes concernant les moyens dont ils ont disposé pour exercer leur activité, ils déclarent avoir été particulièrement gênés par appliquer les gestes barrière.

Le groupe « accalmie »

Très minoritaires (4%), ces travailleurs ont eux vécu une amélioration de leurs conditions de travail même s’ils ont été plus souvent exposés à des risques psychosociaux. Dans ce groupe, il y a plus de jeunes, plus d’hommes, des ouvriers et des employés. Ces travailleurs ont plus que les autres continué leur activité sans toutefois bénéficier de l’activité partielle totale. Les principaux secteurs concernés sont des secteurs particulièrement sinistrés avec une activité partiellement arrêtée : hébergement-restauration, activités culturelles, agences de voyages, salariés des particuliers employeurs. L’intensité du travail et les exigences émotionnelles ont été moins fortes que dans les autres groupes. Toutefois, le sentiment d’insécurité dans l’emploi y est fort (35 % d’entre eux).

Conditions de travail dégradées = Contamination accrue et altération de l’état de santé

Ainsi, 44 % des travailleurs du groupe « intensification » et 55 % du groupe « dégradation » ont eu peur de se faire contaminer dans l’exercice de leur métier. L’analyse de la DARES confirme la réalité de ces inquiétudes puisque pour le groupe « dégradation » 27 % des personnes ont été contaminées par le virus dans le cadre de leur activité contre 18 % des actifs.

Plus largement, l’état de santé des travailleurs s’est aggravé à l’occasion de la crise sanitaire : 30 % des travailleurs déclarent une altération de leur santé en 2020 contre 25 % en 2019. La dégradation de la santé psychique des travailleurs est plus de deux fois plus forte qu’en 2019. Là encore, le lien avec les conditions de travail est clair : les travailleurs des groupes « intensification » et « dégradation » sont respectivement 36 % et 50 % à déclarer un état de santé altéré. Même constatation pour les risques dépressifs. Les troubles du sommeil touchent plus particulièrement les télétravailleurs notamment quand le télétravail est intense.

Pour 43 % des travailleurs, la crise sanitaire s’est donc traduite par une dégradation plus ou moins importante de leurs conditions de travail. Et cela a eu un impact non négligeable sur leur santé qu’elle soit physique ou psychique. Les travailleurs et plus souvent les travailleuses qui ont été le plus en souvent en première ou deuxième ligne ont été aussi souvent ceux qui ont le plus souffert de cette crise. Les partenaires sociaux et l’État ne pourront faire l’économie d’une réflexion collective sur le travail en général et sur la façon de gérer une telle situation de crise.


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