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La grande pauvreté en France

samedi 3 juillet 2021

Difficile d’avoir des chiffres récents lorsque l’on parle de pauvreté. Les chiffres que nous possédons aujourd’hui sont ceux de 2016 dans le rapport de 2018. Pour Eurostat, le taux de pauvreté en France serait de 13,4 %, moins fort que dans la majorité de l’Europe. Pour l’INSEE, dans son rapport de 2018, la pauvreté augmente. 9,3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (à 60 % du niveau de vie médian soit avec moins de 1 063 euros par mois). Le taux de pauvreté monétaire en 2019, en France métropolitaine, serait de 14,5 %, soit 9,1 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Mais qu’en est-il de la grande pauvreté ?

État des lieux en 2018 : enquête INSEE

La grande pauvreté se définit par l’accumulation de 3 critères : le logement, de faibles revenus, et des privations matérielles et sociales sévères (au moins 7 privations dans la vie quotidienne parmi une liste de 13).

  • Environ 2 millions de personnes sont en situation de grande pauvreté.
  • 1,6 million de personnes vivent en logement « ordinaire » (personnes hébergées dans un logement ou vivant dans un hôtel). Les autres sont exclues de l’enquête SRCV (statistiques sur les ressources et les conditions de vie), comme les sans domicile ; 153 000 personnes sont sans domicile ou vivent dans une habitation mobile.
  • 165 000 personnes sont en institution (Ehpad avec les différentes aides sociales dont l’Aspa de 833 euros, autre établissement sanitaire ou social, cité universitaire, foyer).
  • 35 % des personnes en grande pauvreté sont des enfants, 7 % ont 65 ans et plus.
  • 24 % vivent dans les DOM dont 10 % à Mayotte.
  • Les personnes en grande pauvreté ont de faibles ressources : moins de 930 euros par mois (moins de 800 euros pour la moitié d’entre elles).
  • Des privations matérielles et sociales : 55 % ne peuvent pas se payer un repas avec des protéines au moins tous les deux jours, 42 % ne peuvent pas se chauffer, 61 % ont des impayés d’emprunt, de loyer ou d’électricité, d’eau ou de gaz ; 91 % ne peuvent pas se payer une activité de loisir régulière.
  • 20 % des adultes se déclarent en mauvaise santé.
  • 35 % sont en recherche d’emploi.

La grande pauvreté est souvent durable : seules 13 % des personnes qui vivent en logement ordinaire ne subissent plus, 3 ans après, ni pauvreté monétaire, ni privation matérielle et sociale, 27 % subissent encore pauvreté monétaire et privations matérielles et sociales sévères, 31 % cumulent pauvreté monétaire et privation matérielle et sociale, 16 % pauvreté monétaire, 14 % privation matérielle et sociale.

Les prestations sociales représentent plus de la moitié du revenu des personnes en grande pauvreté. Près des ¾ d’entre elles perçoivent des minima sociaux ou la prime d’activité. 16 % des personnes en grande pauvreté bénéficient d’aides locales. Au total, 94 % des personnes en situation de pauvreté perçoivent des prestations sociales :

  • 22 % ne reçoivent aucun revenu d’activité (y compris allocations chômage) ou pension de retraite. Pour ces 270 000 personnes, les prestations sociales représentent la totalité de leurs revenus.
  • Dans un ménage métropolitain, 56 % de leur revenu viennent des prestations sociales : RSA, AAH, minimum vieillesse. Les revenus d’activité de 38 % sont pour 25 % des revenus de salaire et pour 9 % des allocations chômage.
  • 21 % des sans abri ont des revenus d’une activité professionnelle. Près de la moitié sont ouvriers.
  • Les personnes en grande pauvreté bénéficient plus souvent d’un logement social.

Rapport 2021 sur la prévention et la lutte contre la pauvreté

Le comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présidé par Louis Schweitzer, a publié son rapport. Toutes les études ne sont pas encore connues, notamment le résultat des conséquences de la crise Covid. Parmi les 35 mesures recensées on constate que :

  • Quatre mesures ont été intégralement mises en œuvre : la revalorisation de la prime d’activité, la mise en œuvre de la complémentaire santé solidaire, le renouvellement de la complémentaire santé solidaire pour les allocataires du revenu de solidarité active (RSA), le déploiement des 400 points conseils budget dont l’état d’avancement est très inégal. Ex : le bonus mixité a atteint son objectif, par contre aucune des formations prévues pour les travailleurs sociaux n’a été mise en place. D’autres mesures ont été amplifiées pour cause du Covid-19 : création de places de lits halte soins santé, complément de la mesure sur l’obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans (dispositif « la promo 16-18 ans ») ; mesures supplémentaires en faveur de l’insertion par l’activité économique (IAE)...

Le comité soulève 6 points d’attention :

  • Mieux définir et comprendre la grande pauvreté,
  • Lutter contre les effets sur la pauvreté de la crise du coronavirus,
  • Renforcer la lutte contre les non-recours,
  • Aider les 18-24 ans les plus démunis,
  • Evaluer l’efficacité de l’accompagnement dans sa globalité,
  • Accélérer la mise en œuvre du plan « logement d’abord ».

Le comité formule 10 recommandations parmi lesquelles :

  • Mettre en place une définition de la grande pauvreté qui associe d’autres critères à la pauvreté monétaire (en dessous de 60 % du niveau de vie médian).
  • Ne remettre en cause des mesures d’expérience que si l’expérience, validée par une étude scientifique, démontre que leur efficacité n’est pas à la hauteur des moyens mis en œuvre.
  • Examiner l’opportunité d’étendre la prise en charge par l’État du financement du RSA pour les départements faisant face à des difficultés.
  • Poursuivre la lutte contre les non-recours.
  • Reprendre la concertation sur le revenu universel d’activité afin de pouvoir mettre en place dès que possible une prestation de ce type.
  • Expérimenter sans délai la mise en place d’une prestation monétaire pour les jeunes en études, en emploi peu rémunéré, ou en recherche d’emploi de 18 à 24 ans pour les plus démunis.

La crise sanitaire a révélé les trous dans la raquette de notre protection sociale, notamment celle envers les jeunes : étudiants, jeunes en recherche d’emploi, jeunes les plus démunis en emplois précaires, petits boulots. Notre système repose sur l’aide parentale et sur une fiscalité familiale qui rend les jeunes dépendants de leurs parents. Le comité recommande l’expérimentation sans délai de la mise en place d’une prestation monétaire pour les jeunes en études, en emploi peu rémunéré, ou en recherche d’emploi. Il est important d’offrir un accompagnement de qualité aux jeunes le recevant. En cas d’introduction du revenu universel (RUA) ou d’une prestation de ce type, il faudra veiller à la cohérence entre ces deux dispositifs.


Références