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La position (pas si) commune des partenaires sociaux sur le CPA enflamme le patronat

samedi 27 février 2016

Le compte personnel d’activité (CPA), dont le principe avait été acté dans la loi Rebsamen d’août 2015, doit entrer en vigueur, dans un an, le 1er janvier 2017. Le CPA est une des mesures phares de la loi sur le travail de la ministre El Khomri et a donné lieu à une négociation des partenaires sociaux. Elle s’est traduite par une position commune des partenaires sociaux le 8 février alors que l’avant-projet de loi suscite débats, rejets, pétitions ou …approbations.

Les instances respectives des organisations devaient approuver, comme c’est traditionnel, la position commune. Le texte prévoit pour l’heure de regrouper dans le futur dispositif le compte personnel de formation (CPF) et le compte pénibilité (C3P), dont l’intégration a été acceptée à contrecœur par le patronat, et un certain nombre de modalités reprises dans l’avant-projet de loi sur le travail et que nous vous présentons à la fin de cet article.

Mais, dès la porte de la salle de négociation fermée, les choses se sont compliquées du côté du patronat.

La majorité des syndicats signe

Le paysage est relativement clair du côté des syndicats. Les instances de la CFDT, de la CFTC, de FO et de la CGC ont approuvé le texte suivant l’avis de leurs négociateurs. La CGT, critique tout au long de la négociation, ne signera pas le texte.

Un patronat discordant

Du côté du patronat, c’est beaucoup plus compliqué. À tel point que l’on peut s’interroger sur le mandat des négociateurs et la volonté d’aboutir des organisations. À croire que le train des mesures va trop vite en ce moment pour le patronat qui a le pied sur le frein et tente de négocier des contreparties. Le problème, c’est que ces contreparties sont différentes suivant les organisations patronales et que leurs positions ne sont pas unanimes.

Le Medef devrait signer mais négocie sa signature

Après un comité exécutif houleux, le Medef devrait signer la « position commune » sur le CPA, mais assortie d’une série de réserves pour apaiser les tensions en interne et attend pour ce faire la position de la CGPME et de l’UPA. Le Medef attend aussi des garanties du gouvernement sur la "flexibilité" au sein du projet de loi El Khomri et en particulier sur les licenciements économiques. De plus, beaucoup au MEDEF n’acceptent pas le CPA qui est qualifié d’engrenage sans contrôle.

La CGPME sursoit

Furieux d’avoir "pris connaissance dans la presse" de l’avant-projet de loi El Khomri, Jean-Michel Pottier, vice-président national de la CGPME en charge de la formation, a indiqué le 17 février, que son organisation a décidé de "surseoir" à la signature de la position commune sur le CPA, la sécurisation des parcours et la mobilité professionnelle. L’organisation a renvoyé la décision à la prochaine réunion de la commission exécutive en mars. "Nous avons eu mardi soir une commission exécutive mais nous n’avions pas encore les éléments sur la loi El Khomri » a déclaré à Reuters le porte-parole de la CGPME, Jean-Eudes du Mesnil. « À l’heure qu’il est, nous ne sommes pas signataires de la position commune ».

La réforme de la représentativité patronale met en tension les différentes composantes du MEDEF et l’UPA. L’UPA ne signera pas la position commune

En parallèle, et cela n’a rien à voir avec le CPA, plusieurs membres du conseil exécutif reprochent aux équipes de Pierre Gattaz d’avoir négligé le sujet il y a deux ans, lorsqu’ont été décidés les critères de représentativité, et de se retrouver aujourd’hui dans une position intenable pour le Medef si l’on suit ce qui est rédigé dans la loi sur la représentativité. Le Medef s’est lancé dans de grands pourparlers avec l’exécutif pour rectifier le tir. L’avant-projet de loi a tranché la querelle en donnant raison au Medef et à la CGPME. Dans son article 20, le texte dispose que pour la mesure de l’audience des organisations patronales, « le nombre d’entreprises adhérentes et le nombre de leurs salariés sont pris en compte respectivement à hauteur de 20 % et de 80 % ».

L’UPA a immédiatement réagi s’estimant lésée. Dans un communiqué, publié le 19 février, elle annonce qu’elle ne signera pas la position commune sur le compte personnel d’activité (CPA), jugeant que l’intégration de la pénibilité est « inopportune et totalement prématurée », tout en critiquant le « déni de démocratie » que constitue à ses yeux la décision du gouvernement de « donner aux représentants des grandes entreprises le monopole de la représentation patronale ». Par ailleurs, l’UPA a claqué la porte de la première séance de la négociation UNEDIC pour manque de démocratie du MEDEF.

En résumé, un mauvais coup porté au dialogue social et à sa place dans l’élaboration des mesures sociales alors que le gouvernement affirme sa volonté d’avancer.

Que comprend l’article 22 de l’avant-projet de loi El Khomri sur le CPA ?

Le CPA entrerait en vigueur au 1er janvier 2017. Pour les travailleurs indépendants, ce serait le 1er janvier 2018. Quant aux agents publics, des discussions sont en cours entre le ministère de la Fonction publique et les syndicats pour introduire dans l’avant-projet de loi El Khomri un article habilitant l’État à agir par ordonnance pour créer un CPA pour chaque agent public.

L’article 22 de l’avant-projet de loi précise que le CPA est « constitué du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) ». Les conditions d’ouverture et de fermeture du CPF s’effectueront désormais dans le cadre du CPA.

Il fixe aussi de nouvelles modalités d’abondement du CPF pour financer des formations dont la durée excède le nombre d’heures inscrites dans le compte. Le projet d’article élargit également la liste des actions éligibles au CPF aux « actions préalables d’évaluation directement afférentes » au socle de connaissances et de compétences professionnelles.

Le texte prévoit un abondement de 400 heures au CPA pour les jeunes décrocheurs, pour les aider à acquérir un premier niveau de qualification. Des abondements sont aussi prévus pour soutenir les jeunes en service civique.

Le projet d’article 22 prévoit que le titulaire du CPA aura droit à « un accompagnement global couvrant l’ensemble des problématiques de sécurisation des parcours professionnels ». Pour les partenaires sociaux, cet accompagnement doit relever de « la triple responsabilité de l’Etat, des collectivités territoriales et des partenaires sociaux ».

Le CPA sera ouvert « pour toute personne âgée d’au moins 16 ans », qu’elle soit en emploi, conjoint collaborateur d’un commerçant ou artisan par exemple, à la recherche d’un emploi « ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles », accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail. Par dérogation, un apprenti de 15 ans pourra bénéficier d’un CPA. Le compte sera fermé lorsque son bénéficiaire sera admis à faire valoir « l’ensemble de ses droits à la retraite ». D’autre part, l’article 22 précise que le CPA « ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire ». Son refus de le mobiliser ne pourra pas constituer une faute.

Chaque titulaire d’un compte aura connaissance des droits inscrits dessus et pourra les utiliser « en accédant à un service en ligne gratuit qui sera géré par la Caisse des dépôts et consignations, sans préjudice des dispositions de l’article L.4162-11 du code du travail confiant à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés la gestion de leur C3P ». Chaque titulaire aura également accès à « une offre de service en ligne ayant trait à l’information sur les droits sociaux et à la sécurisation des parcours professionnels ».

Le projet de loi devrait être présenté au conseil des ministres le 9 mars par la Ministre et être ensuite débattu au Parlement.

Enfin et pour aller plus loin et parce que le CPA est un vrai projet de société, nous vous renvoyons à l’exercice de « politique fiction » de Terra Nova intitulé « le bel avenir du compte personnel d’activité ». Ce que le Compte personnel d’activité, étape vers des droits sociaux personnalisés, pourrait donner en 2030.


Sources