1. Accueil
  2. > Conditions d’emploi
  3. > Conditions de travail
  4. > La sous-traitance expose les salariés aux accidents du (...)

La sous-traitance expose les salariés aux accidents du travail

samedi 22 avril 2023

Les salariés des établissements sous-traitants sont-ils plus exposés aux risques professionnels et aux accidents du travail ? Et par ailleurs, qu’en est-il des salariés employés en propre par un établissement et qui travaillent aux côtés d’intérimaires recrutés par leur employeur ? C’est bardée de ces deux questions que la DARES (ministère du Travail) a mené une enquête dévoilée fin mars. La réponse est positive pour la première question : quand un établissement est sous-traitant pour un donneur d’ordres, le risque d’accidents du travail est plus important. Et en fait, concernant la deuxième question, les salariés permanents ont aussi davantage d’accidents du travail lorsqu’ils côtoient des sous-traitants. Dans le secteur de l’intérim, le surrisque provient d’une moindre expérience, d’une moindre formation sur les postes de travail et d’une exposition à des conditions de travail plus difficiles.

L’étude de la Dares s’appuie sur de nouvelles données ainsi que sur des études déjà parues qui analysaient déjà ce phénomène.

Que représente la sous-traitance ?

Les chiffres montrent qu’il ne s’agit pas d’un phénomène mineur puisqu’une autre étude de la Dares publiée le 1er mars 2023 atteste qu’un quart des salariés travaille dans un établissement preneur d’ordres (ou sous-traitant) en 2019. Ce sont plus souvent les établissements de taille moyenne (20 à 199 salariés) qui sont preneurs d’ordres. L’étude de la Dares, présentée ici, porte sur 8 100 établissements appartenant au secteur marchand et associatif hors agriculture, dont 4 100 à majorité d’employés et d’ouvriers. L’étude rappelle que les établissements sous-traitants emploient davantage d’ouvriers et sont plus représentés dans le secteur de la construction. Ils exposent donc davantage leurs salariés à certains risques professionnels.

Une unanimité scientifique

De très nombreuses études et la Dares dans cette dernière montrent un surcroît de risque d’accidents du travail pour les salariés d’entreprises preneuses d’ordres pour plusieurs raisons. Les donneurs d’ordres peuvent choisir d’externaliser les travaux les plus dangereux, notamment pour ne pas avoir à subir les coûts associés à la réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles. La pression économique et la dépendance vis-à-vis d’un ou quelques donneurs d’ordres peut amener à une intensification du travail et/ou un moindre investissement dans les mesures de prévention. En cas de sous-traitance sur site, la coactivité sur le même lieu de travail de salariés provenant d’entreprises différentes peut engendrer une désorganisation du travail. Finalement, les TPE-PME preneuses d’ordres peuvent moins aisément bénéficier de ressources extérieures comme les institutions de prévention ou les conseils de l’inspection du travail.

Les salariés sous-traitants en danger

Les salariés des établissements sous-traitants sont davantage exposés à certains risques professionnels. En 2019, les preneurs d’ordres qui consacrent moins de 50 % de leur chiffre d’affaires aux commandes de leurs donneurs d’ordres signalent, davantage que les établissements non preneurs d’ordres, employer des salariés exposés à des postures pénibles, des agents chimiques dangereux, ou à un bruit supérieur à 85 dB.
En revanche, ils ne déclarent pas plus d’expositions au travail répétitif ou à la chaîne, ni aux équipes alternantes. À l’inverse, les établissements dont le chiffre d’affaires dépend à plus de 50 % de donneurs d’ordres comptent significativement plus que les autres de salariés exposés au travail répétitif et aux équipes alternantes, mais pas aux risques chimiques, aux postures pénibles ou au bruit élevé. Tout semble se passer comme si leur principal donneur d’ordres leur avait délégué des tâches comportant du travail répétitif ou des horaires atypiques, dans une situation de quasi-intégration organisationnelle.

Les établissements sous-traitants ont un taux d’accidents plus élevé en 2018-2019 même si la relation entre accidentalité et sous-traitance n’est pas linéaire. Ainsi au-delà de 50 % du chiffre d’affaires consacré aux donneurs d’ordres, le taux d’accidents du travail diminue, même s’il reste plus élevé que pour les établissements non preneurs d’ordres. C’est cohérent avec le constat fait précédemment d’une meilleure maîtrise des risques dans ces établissements quasi intégrés à leur(s) donneur(s) d’ordres.

En travaillant avec des intérimaires, les salariés des entreprises sont eux aussi surexposés

L’étude de la DARES a identifié un problème collatéral important : dans les entreprises accueillant des intérimaires, particulièrement celles où ces salariés représentent 4 à 10 % de l’effectif, les salariés employés en propre (non intérimaires) sont eux aussi davantage exposés aux accidents de travail par rapport aux entreprises n’employant pas d’intérimaires.

Une réaction syndicale : FO

Pour Eric Gautron, secrétaire confédéral de Force ouvrière, les résultats de cette étude montrent un phénomène de double peine et sont un miroir de nombreux problèmes du marché du travail actuel : externalisation, mauvaise gestion des risques, fuite des responsabilités… Il rappelle que « les accidents du travail sont particulièrement meurtriers en France : en 2019, 656 000 accidents du travail ont été recensés, dont 733 ayant entraîné la mort, soit deux morts par jour. Et si on compte les accidents de trajet qui font 283 morts par an, et les 175 décès liés aux maladies professionnelles, on arrive à trois morts par jour ». Il rappelle aussi une revendication phare de FO et des autres organisations syndicales, le retour des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), absorbés en 2020 au sein du Comité social et économique (CSE) et souligne le manque de formation aux postes que les intérimaires occupent.


Source