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Le « Stop and Go » de la réforme de l’assurance chômage

mercredi 24 mars 2021

Depuis longtemps, plusieurs partenaires sociaux militent pour construire un accord d’assurance chômage contracyclique avec une indemnité généreuse quand l’économie va mal et une indemnité en baisse quand l’économie va bien. Faute de possibilité d’anticipation sur les finances de l’UNÉDIC, en grande partie à cause de l’État, c’est le contraire qui se produit. Comme pour la réforme de l’assurance chômage de juillet 2019, que le gouvernement a déjà reporté quatre fois pour cause de crise sanitaire et économique. Le conseil d’État a annulé deux mesures fin novembre 2020 (la réforme du SJR, salaire journalier de référence, pour rupture d’égalité et le bonus- malus pour des problèmes de rédaction juridique). Cette réforme, le gouvernement la maintient pour avril 2021, sans analyse d’impact. Certains points sont toutefois liés au contexte incertain de la crise sanitaire (décret).

La ministre du Travail a annoncé, le 2 mars 2021, les arbitrages du gouvernement concernant le régime d’assurance-chômage. Les amendements de la réforme qui entrera en vigueur au 1er juillet 2021 (et non au 1er avril 2021) passent par :

Deux mesures temporairement amendées, avant un retour à une situation du marché du travail plus favorable, à savoir la réalisation de deux indicateurs : une baisse cumulée sur 6 mois du nombre de demandeurs d’emploi, inscrits en catégorie A à Pôle emploi (DEFM), supérieure à 130 000 et d’autre part un cumul du nombre d’embauches sur 4 mois supérieur à 2,7 millions (déclarations préalables à l’embauche – DPAE - de plus d’un mois hors intérim).

Dans l’attente de ces deux indicateurs, les règles qui s’appliquent sont :

  • Le maintien de l’éligibilité à 4 mois (condition minimale de travail pour ouvrir des droits) pour tous les demandeurs d’emploi, avec maintien du rechargement des droits à 4 mois, au lieu de 6 mois minimum.
  • L’application de la dégressivité de 30 % de l’allocation à partir du 9ème mois d’indemnisation (au lieu de 7) et remise à 0 du compteur de mois, pour les personnes de moins de 57 ans dont le salaire est supérieur à 4 500 euros (pour un salaire de 4 500 euros, la dégressivité de 30 % correspond à une baisse de l’allocation de l’ordre de 800 euros).

Dès le « retour à meilleure fortune » atteint (au plus tôt fin octobre 2021), ce sont les critères du décret de 2019 qui s’appliqueront pour ces deux mesures :

  • Un nouveau calcul du SJR sur la base de la réforme initialement prévue, intégrant cependant dès son application au 1er juillet 2021 un plancher afin de limiter la baisse du montant des allocations de certains demandeurs d’emploi qui étaient les plus impactés.
  • Un bonus-malus toujours prévu pour les 7 secteurs d’activité retenus lors de la réforme de 2019, suspendu pour le secteur faisant actuellement l’objet de fermetures administratives (la restauration).

Les comportements des entreprises en matière de recours aux contrats courts commenceront à être observés sur la période juillet 2021-juillet 2022. L’application effective du bonus-malus (hausse ou baisse de la cotisation patronale) aura lieu en septembre 2022, alors même qu’une nouvelle convention devrait être renégociée d’ici fin octobre 2022.

Dès l’annonce de ces mesures, les syndicats ont rejeté unanimement la philosophie de cet accord dans cette période incertaine de crise sanitaire et économique, à savoir inciter les demandeurs d’emploi même les plus précaires à reprendre un emploi en baissant fortement leurs allocations pour faire des économies budgétaires. Dans un tract commun [1], les 5 organisations syndicales (CFDT, CGC, CFTC, CGT, FO) dénoncent cette réforme d’assurance chômage.

« Elles réaffirment que :

  • Les seuils d’accès à l’indemnisation doivent inclure un maximum de travailleurs et tout particulièrement les jeunes, doublement victimes du chômage et de la précarité. L’abaissement des seuils d’ouverture doit bénéficier à tous.
  • Les droits rechargeables doivent être conservés.
  • La détermination des règles d’indemnisation doit obéir à des principes simples et lisibles.
    Nos organisations sont attachées à ce que la détermination du Salaire Journalier de Référence continue de délivrer une indemnisation au plus proche du salaire perdu, identique pour les personnes ayant perdu un même salaire avec un temps de travail équivalent. Le principe un jour cotisé/un jour indemnisé doit demeurer a minima.
  • La dégressivité des allocations pour les plus hautes rémunérations est inefficace et doit être abandonnée. Cette mesure a déjà été en vigueur et a été supprimée en 2001. Outre son inefficacité, cette mesure est dangereuse. En effet, elle incite à accepter des emplois moins qualifiés, a contrario de l’objectif de hausse générale des qualifications. Elle est également injuste car elle sanctionne les personnes qui ont le plus de mal à retrouver un emploi.
  • Une modulation des cotisations patronales est nécessaire pour décourager les employeurs abusant des contrats précaires. La limitation du recours aux contrats très courts est un impératif, alors que les trajectoires professionnelles sont de plus en plus hétérogènes, générant des situations de précarité pour les personnes en situation de CDD ou de temps partiel contraint, en grande majorité pour des femmes dans ce dernier cas ».

Le patronat compte bien limiter le recours au bonus-malus, annoncé pour septembre 2022. Le Medef a proposé l’élargissement de l’expérimentation en cours dans 11 secteurs du CDD multi-remplacement et une évaluation pour prouver que ce nouveau contrat de travail est beaucoup plus efficace que le bonus-malus.

Dans son rapport annuel, la Cour des Comptes souligne la complexité induite par la gouvernance actuelle de l’UNÉDIC, avec un État très présent qui décide de nombreux paramètres. Elle lui reproche de s’être défaussé sur l’Unédic (voir le financement de l’activité partielle). Elle demande à l’État d’assumer la trajectoire financière de l’Unédic (financement de la dette et dépenses contraintes). « Les partenaires sociaux ne sont plus décisionnaires de l’essentiel des règles de fonctionnement de l’UNÉDIC » constate le rapport. La Cour des Comptes propose de mettre à plat les rôles de chacun et de recentrer les missions de l’assurance-chômage.


Références