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Les accidents du travail en France : une sinistralité en hausse

mercredi 22 novembre 2023

En 2021, l’Union européenne a connu plus de 3 millions d’accidents du travail (enquête Eurostat). Environ 3 350 travailleurs sont décédés dans le cadre de leur emploi. La France est très mal classée dans ce classement, suivie par le Portugal et l’Espagne mais derrière la Roumanie.

La déclaration d’accidents du travail varie d’un pays à un autre. Eurostat estime qu’il peut y avoir un effet de sous-déclaration dans certains États concernant les accidents non mortels. Ce qui ne peut être le cas en ce qui concerne les décès liés à l’emploi. Il y a deux décès au travail chaque jour en France.

En France en 2021, on dénombre près de 640 000 accidents dont 696 mortels.

  • Il faut y ajouter près de 90 000 accidents de trajet (un chiffre en léger retrait depuis le télétravail).
  • Ces évènements ont occasionné 51 millions de jours d’arrêt de travail.
  • 39 000 travailleurs accidentés auront des séquelles à vie.
  • Un plancher semble avoir été atteint. Les chiffres ne baissent plus (plan santé au travail 2021-2025).

Ces chiffres sont sous-estimés : il n’y a pas de statistiques disponibles pour la fonction publique. Il est donc impossible de connaître la situation à l’hôpital ou à l’Éducation nationale.

  • Le secteur privé pâtit d’une sous-déclaration reconnue puisqu’elle donne lieu chaque année à un versement compensatoire de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) du régime général au profit de la branche maladie de l’ordre de 2 milliards d’euros.
  • Les accidents du travail augmentent dans la métallurgie, le travail temporaire, les activités de la santé, du nettoyage, de l’alimentation, dans les activités du tertiaire.

Selon la 8ème édition du Baromètre de la gestion des accidents du travail/maladies professionnelles, l’enquête menée en juin 2023 par OpinionWay auprès de 301 entreprises du secteur privé, révèle que les entreprises persévèrent dans la lutte contre les risques professionnels mais négligent la prévention. L’enquête a ciblé, cette année, les secteurs d’activité fortement accidentogènes (industrie, transports, BTP et agriculture) :

  • Une sinistralité générale qui ne baisse pas depuis 2020 alors que la gestion administrative et financière s’améliore.
  • Six entreprises sur 10 n’ont pas d’accord de prévention, alors que l’absence d’accord expose à une pénalité de 1 % de la masse salariale.
  • Seulement 4 sur 10 d’entre elles ont signé un accord permettant de réduire l’exposition des salariés à des risques professionnels.
  • Prévention insuffisante puisque 8 entreprises sur 10 ont déclaré des accidents de trajet et au moins un accident du travail en 2022.

Malgré un système financier sévère et sanctionnateur pour l’entreprise accidentogène avec des cotisations patronales proportionnelles à la sinistralité (accidents du travail/maladies professionnelles en pourcentage de la masse salariale), la sinistralité globale ne baisse pas depuis 2020. Seules les entreprises de plus de 200 salariés (9 sur 10) s’estiment suffisamment formées pour mener des actions de prévention. Des chiffres qui révèlent un manque de connaissance sur les risques financiers encourus notamment en cas de faute inexcusable de l’employeur. Dans cette enquête :

  • Les accidents et maladies professionnelles touchent plus souvent les hommes que les femmes.
  • Près de la moitié des femmes ne sont impliquées dans aucun accident de quelque sorte.
  • 8 hommes sur 10 contre seulement 2 femmes ont été victimes d’un accident de travail.
  • 7 hommes sur 10 contre 3 femmes d’un accident de trajet.

Des arrêts maladie liés aux risques psychosociaux (1 sur 10) plus fréquents dans les entreprises de 200 salariés et plus (24 %) que dans les entreprises de moins de 100 salariés (5 %), à presque égalité entre les hommes et les femmes :

  • Les arrêts de travail pour ces motifs ont donné lieu à un arrêt maladie classique (45 %) mais 39 % ont généré la prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
  • De plus en plus on assiste à une reconnaissance des risques psychosociaux

La connaissance des procédures s’améliore mais sans aller jusqu’au bout. Ainsi les DAT (déclarations d’accident du travail) sont systématiquement régularisées en 48 heures dans 8 cas sur 10 (contre 6 sur 10) en 2020 et 9 entreprises sur 10 contrôlent leur taux de cotisation AT-MP.

  • Mais 8 entreprises sur 10 n’émettent pas de réserves motivées et 9 sur 10 n’utilisent pas le délai de 10 jours pour contester, après enquête, la matérialité de l’accident et émettre des réserves.
  • Plus de la moitié des entreprises se disent équipées d’un outil de gestion AT-MP, alors qu’il s’agit la plupart du temps d’un simple tableau Excel.
  • Les entreprises sont confiantes dans la peur et la méconnaissance des droits des salariés accidentés qui n’osent revendiquer leurs droits,
  • Les entreprises ont du mal à accepter l’évolution du droit, et elles prennent le risque d’aller en prud’hommes.

En avril 2023, les partenaires sociaux ont signé l’ANI Branche/AT/MP, un compromis entre syndicats et patronat sur une réparation améliorée et une gouvernance paritaire renforcée :

  • Ils demandent au législateur de prendre des mesures nécessaires afin d’améliorer le niveau des rentes servies aux victimes subissant une incapacité permanente reconnue (perte de capacité de travailler en raison de l’accident).
  • Cette décision a un impact sur les dépenses de la branche AT/MP de la sécurité sociale, d’où sa transposition dans le PLFSS 2023.

Le système de réparation permet d’obtenir, sans avoir à recourir à la faute de l’employeur, une rente forfaitaire. Cette rente est duale, car elle permet de compenser d’une part le salaire (rente patrimoniale) et d’autre part la baisse de qualité de vie de la victime (rente extrapatrimoniale).

En janvier, la Cour de cassation, dans une jurisprudence, a introduit « la faute inexcusable de l’employeur ». La rédaction de l’article 39 dans le PLFSS 2023, qui plafonnait la réparation, contredisait ce qui est écrit dans l’ANI du 15 mai 2023, affirment les syndicats : « C’est aux partenaires sociaux de réaliser un diagnostic de l’indemnisation en cas de faute inexcusable de l’employeur ». Le ministre du Travail a accepté de retirer l’article 39 du PLFSS et demande aux partenaires sociaux de se réunir pour clarifier leur position commune.


Références