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Dématérialisation des services publics : encore trop subie par des millions de Français

samedi 26 mars 2022

Dans un rapport récent la Défenseure des droits, Claire Hédon, regrette l’éloignement des services publics dû à la dématérialisation et les difficultés vécues par plus de 10 millions de nos concitoyens. Un certain nombre de recommandations sont formulées dont celle que les usagers choisissent eux-mêmes, librement, leur mode de relation avec l’administration.

Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?

C’est par ce titre que la Défenseure des droits et ses services présentent leurs conclusions dans un rapport qui pointe les avancées récentes mais surtout les difficultés qui persistent depuis 2019, date du précédent rapport. Nous sommes tous concernés et qui n’a pas pesté au moment de renouveler sa carte grise ou d’activer son dossier à la CAF lève le bras. Mais ce qui se vit comme un désagrément passager peut se transformer en handicap réel pour une partie non négligeable de la population.

D’après le rapport, « parmi les publics les plus pénalisés, on retrouve les personnes âgées (face aux difficultés administratives, plus d’une personne âgée sur sept abandonne ses démarches), les personnes en situation de handicap (seulement 40 % des sites publics sont accessibles), les jeunes, avec un quart des 18-24 ans qui indiquent avoir rencontré des difficultés pour réaliser seuls des démarches en ligne (soit 14 points de plus que la moyenne), mais aussi les majeurs protégés, les personnes détenues, les personnes étrangères, les personnes en situation de précarité sociale.

Une enquête à plusieurs entrées

Le rapport de suivi est né de l’alerte donnée par les 530 délégués territoriaux du défenseur des droits : en 2021, l’institution a reçu 115 000 réclamations dont 90 000 concernent les services publics (en hausse de +15 %). Pour compléter, la Défenseure des droits a auditionné des associations, des élus locaux, des administrations qui mettent en œuvre les politiques de dématérialisation ou d’inclusion, des personnes concernées et des jeunes. Et a consulté de nombreuses saisines mettant en cause les processus de dématérialisation et des travaux de recherche existants.

Le rapport souligne la méconnaissance par les usagers des dispositifs d’accompagnement, y compris l’offre de service public de proximité France services. Elle pointe aussi la multiplication des organismes d’accompagnement. Une multiplicité de services qui empêche de savoir qui est le bon simulateur ou la bonne formation, ou le bon interlocuteur, ou le bon service… Cet accompagnement ne dédouane pas pour autant le service public de l’effort de proximité qui est l’échelon manquant des rapports entre usagers et administration.

Ce qui est à l’œuvre

Pour la Défenseure les usagers sont victimes de la dématérialisation car on leur demande de s’adapter aux règles du service public et de s’équiper pour que leurs démarches fonctionnent. Or il y a là un renversement car la responsabilité du bon fonctionnement de la démarche repose sur l’usager. Auparavant il y avait un agent pour l’aider et l’accompagner. Pour les auteurs du rapport « Nous souhaitons mettre la lumière sur l’impensé, l’implicite de cette dématérialisation qui est le report de charges sur l’usager et ceux qui l’accompagnent ».
Le rapport s’interroge aussi sur le lien entre dématérialisation et hausse du non-recours aux droits. Un rapport récent a chiffré à 10 milliards les sommes non réclamées. Enfin la Défenseure indique que cette situation peut aussi amener à l’essor d’acteurs privés d’accompagnement.

La Défenseure des droits formule (ou réitère) un ensemble de recommandations

  • Adopter une disposition législative imposant la nécessité de plusieurs modalités d’accès aux services publics pour qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ;
  • Faire en sorte que chaque usager puisse choisir librement son mode de relation avec l’administration (guichet, courrier postal, téléphone, service en ligne, courriels) ;
  • Systématiser des plans d’aller/retour ou d’aller-vers pour lutter contre le non-recours.
  • Accompagner la dématérialisation d’effectifs supplémentaires dans toutes les administrations où les délais de traitement sont actuellement trop longs ;
  • Délivrer un accusé de connexion nominatif et daté à chaque connexion d’un usager à un service en ligne, cet accusé devant ensuite, en cas d’échec de la démarche, pouvoir être produit à titre de preuve dans le cadre d’un recours administratif ou contentieux ;
  • Permettre aux usagers de contacter l’agent en charge du traitement de leur demande afin d’être informés régulièrement de l’avancée de l’instruction de celle-ci. Cela suppose aussi que le canal téléphonique soit à l’intérieur des administrations et pas sur une plateforme support.
  • Instaurer une procédure permettant à l’usager de signaler une difficulté – d’ordre technique ou due à une situation non prévue – à effectuer la démarche, et ce par tous moyens utiles ;
  • Permettre aux agents auxquels ces difficultés sont signalées de disposer de prérogatives suffisantes pour les lever ;
  • Créer une filière des métiers de la médiation numérique.

En conclusion, la Défenseure des droits estime que si la dématérialisation est une chance car elle peut simplifier la vie d’un grand nombre d’usagers, elle est aussi subie par une grande partie de la population. Ce n’est pas pour elle une fatalité et elle estime que la transformation numérique des administrations n’est soutenable que « si elle est incluse dans une ambition bien plus large et bien plus exigeante, celle d’une administration parfaitement accessible à tous et à toutes et investie de la responsabilité que chacun et chacune ait accès à ses droits ».


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