Modification du calcul du salaire journalier de référence
Différents volets de la réforme de l’assurance chômage ont été introduits en 2021, à des moments différents, mais celui qui a intéressé tout particulièrement les chercheurs est celui qui modifie doublement la méthode de calcul du SJR [1] .
Avant la réforme, le calcul se basait sur les jours travaillés sur les 12 derniers mois, tandis qu’après la réforme, celui-ci se base désormais sur les jours calendaires des 24 derniers mois précédant le dernier contrat de travail.
Il résulte des panels de modélisation que ce changement n’affecte que marginalement le SJR et donc l’AJ des demandeurs d’emplois ayant eu des carrières stables, avec des contrats contigus ou un seul contrat sur l’ensemble de la période, ce qui n’est pas le cas des personnes ayant un parcours d’emploi fractionné.
L’étude met aussi en évidence les écueils pointés par les partenaires sociaux au cours de la concertation avec des pouvoirs publics, dont le fait que plus les périodes non travaillées sont nombreuses et/ou longues, plus le nombre de jours comptabilisés pendant les périodes où la rémunération est nulle augmente, avec pour conséquence de diminuer mécaniquement le SJR et donc au final le montant de l’allocation journalière du demandeur d’emploi.
Concernant l’allongement de la période de référence de calcul à 24 mois, une durée plus longue a deux effets possibles : une probabilité plus importante d’avoir des périodes non travaillées prises en compte dans le calcul du SJR, et donc d’avoir une discontinuité qui n’aurait pas été prise en compte auparavant avec une période de référence de calcul à 12 mois.
De même, dans l’hypothèse d’une carrière avec des rémunérations croissantes, même pour les individus ayant une carrière continue, une période de référence de calcul plus longue aurait conduit à une prise en compte de salaires plus anciens et donc possiblement moins élevés.
Pour ces raisons, la réforme du 1er octobre 2021 fait courir le risque de réduire le niveau de vie des demandeurs d’emploi en réduisant leur AJ, ou encore la possibilité de disposer d’un cumul de leur assurance chômage avec les revenus tirés d’une activité réduite.
Il est utile de rappeler que le but affiché de cette réforme par le gouvernement est de diminuer le recours aux contrats courts, afin de rechercher une situation d’emploi plus pérenne et de permettre de sortir plus durablement du chômage, qui deviendrait moins désirable pour les demandeurs d’emplois.
Pour les demandeurs d’emploi ayant eu des carrières discontinues, le double effet de la réforme conduit au contraire ces derniers à accepter des contrats qu’ils n’auraient pas considérés autrement (durée courte, rémunération faible, etc.) du fait d’une allocation ne leur permettant plus de vivre décemment. Cela conduit donc à une précarisation de cette population.
Au total les différentes simulations explorées par les chercheurs mettent en évidence une baisse du SJR pour les individus ayant eu un parcours d’emploi discontinu, alors que les individus ayant eu un parcours d’emploi continu n’ont connu, virtuellement, aucun changement notable de leur SJR comparativement à ce qu’ils auraient touché en l’absence de réforme.
Les chercheurs estiment ainsi à 14€ la perte moyenne de SJR liée à la réforme pour les individus ayant perçus des IJ depuis la réforme. De même, l’allocation journalière effective s’est vue grevée d’environ 6€, soit une diminution d’environ 35%. L’effet d’atténuation joint de l’AJ et des minimas sociaux n’a permis que très partiellement de compenser la perte d’allocation pour cette population.

Concernant le retour à l’emploi
Les résultats sont également apparents : l’objectif de favoriser un retour à un emploi pérenne ne semble pas être rempli. Tant en termes de durée de contrat retrouvé qu’en termes de nature de contrat, il semble que la réforme a eu un effet précarisant. En effet, la perte d’AJ induite par la réforme semble avoir causé un changement dans l’arbitrage réalisé par les demandeurs d’emplois observés dans l’étude : les contrats plus précaires et plus courts deviennent désirables pour sortir au plus vite du chômage.
Si cela conduit à une probabilité de sortir du chômage plus rapidement pour les demandeurs d’emplois ayant eu une carrière hachée, force est de constater que ce n’est pas pour avoir une situation plus pérenne.
La pérennité du retour à l’emploi ne semble pas avoir été affectée positivement par la réforme. L’étude confirme que la durée des contrats pour les individus dont les trajectoires d’emplois passées étaient discontinues a été affectée négativement par la réforme.
Concernant la qualité de l’emploi, à savoir la nature du contrat de travail retrouvé, l’étude pointe que, lorsque l’on prend en compte la durée de recherche d’emploi, soit la réforme n’a pas eu d’effet sur la probabilité d’avoir un contrat considéré comme stable (un CDI) comparativement aux contrats considérés comme plus précaires (CDD, CTT notamment), soit elle a eu un impact négatif.
L’étude confirme des observations documentées, que la possibilité de pouvoir chercher plus longtemps un emploi a un effet positif sur la durée du premier contrat retrouvé, comme sur la probabilité de retrouver un emploi plus stable. Une observation qui milite en faveur d’une meilleure adéquation entre les différents acteurs du marché de l’emploi, mais qui est empêchée par cette réforme de 2021, qui pousse vers une durée la moins longue possible de la recherche d’emploi.
Des analyses utiles qui viennent confirmer qu’en raison des évolutions du système d’emploi et des différentes réformes du système d’assurance chômage, les parcours des allocataires ne se résument plus à une période d’indemnisation seule qui se termine et se poursuit par la reprise d’un emploi seul, sans percevoir de cumul d’indemnisation d’assurance chômage ou de prestations sociales de solidarité (Pour mémoire 50% des bénéficiaires de l’Allocation chômage cumulent emploi et chômage).
Aujourd’hui, les trajectoires sont moins linéaires, plus diffuses et les transitions d’un état à un autre plus importantes. Les périodes de cumul avec l’assurance chômage, le RSA, la prime d’activité et les revenus tirés d’une activité professionnelle sont aussi plus fréquentes.
Pour conclure
Une étude utile qui, démonstrations à l’appui, vient confirmer que la réforme gouvernementale des règles de l’assurance chômage de 2019-2021 n’a pas produit les effets escomptés pour endiguer la récurrence des contrats courts, ni même résolu la question du retour à un emploi de qualité.
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