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L’attractivité de la fonction publique en question

mercredi 22 mars 2023

La fonction publique ne fait plus rêver les Français et même les jeunes Français, à rebours d’une histoire centenaire. L’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques, réalisée par l’Ifop, confirme d’autres sondages inquiétants. Avec deux fois moins de candidats aux concours qu’il y a 10 ans, les jeunes disent qu’ils n’ont plus envie de devenir fonctionnaires. La hauteur de la rémunération est pointée du doigt mais d’autres facteurs interviennent.

Un moment historique particulier

De la fin du XIXème siècle, tout au long du XXème siècle et au début du XXIème siècle, rentrer dans la fonction publique revêtait un caractère très majoritaire lorsque les jeunes Français étaient interrogés. Il y a seulement 10 ans, en 2012, un sondage Ipsos indiquait que 73 % des jeunes âgés de 15 à 30 ans voulaient devenir fonctionnaires. La garantie de l’emploi apparaissait comme la première de leurs motivations. Nous n’en sommes plus là, même si les Français demandent plus de services publics et une plus grande proximité avec les agents de l’administration.

Le constat

En 25 ans, le nombre de candidats aux concours de la fonction publique a été quasiment divisé par quatre. Dans la fonction publique d’État, seuls 177 000 candidats se sont présentés en 2021 pour 41 000 postes offerts, contre 642 000 (pour 38 800 postes offerts) en 1997. « Ce recul aux concours est un marqueur fort et nous portons un regard lucide sur la situation », a confié au Figaro le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini.
En 2020, une large majorité (55 %) des jeunes diplômés de 2017 n’envisageait pas d’intégrer la fonction publique au cours de leur carrière, selon une étude de la DGAFP, la Direction générale de l’administration, publiée en février 2023.

Un retour de balancier politique ?

Les fonctionnaires ou les futurs fonctionnaires sont des citoyens comme les autres. Ils entendent d’élection en élection des candidats à la présidentielle faire assaut de chiffres de suppression des postes de fonctionnaires même si le mouvement des Gilets jaunes avait introduit un bémol. Ces déclarations et volontés politiques entretiennent une image dégradée de la fonction publique et de ses serviteurs. De plus, comme l’indique Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, « Avant, quand on était fonctionnaire, on participait d’une grande machine respectée et puissante, qui pouvait prendre des décisions au service d’un intérêt général ». Mais l’État s’est affaibli et est parfois très critiqué.

Les grandes orientations de l’enquête d’Acteurs Publics

La fonction publique ne séduit aujourd’hui qu’une minorité de Français. Seuls 17 % des personnes interrogées déclarent pouvoir avoir envie d’intégrer la fonction publique dans les prochaines années. Il y a bien sûr des différences générationnelles. Les jeunes sont surreprésentés dans la volonté de s’investir dans la fonction publique (31 % des moins de 25 ans).

Parmi les motifs avancés pour ne pas intégrer la fonction publique, 53 % des personnes interrogées déclarent d’abord ne pas avoir envie de changer de métier, 25 % (dont 33 % des 18-24 ans) citent le niveau de rémunération trop bas et 24 % le mode de fonctionnement supposé rigide ou lourd de l’administration. Enfin les conditions de travail de certains métiers (police, gendarmerie, gardiens de prison…) sont également citées par 15 % de ceux qui ne sont pas tentés par la fonction publique.

La CFDT, qui a lancé une grande enquête fin 2022 sur la situation des jeunes (16-30 ans) employés dans les trois versants de la fonction publique (État, territoriale, hospitalière), confirme globalement cette tendance. Plus de 71 % des répondants estiment ne pas être suffisamment ou pas du tout reconnus dans leur travail. Un enseignant qui a témoigné dans cette enquête a déclaré : « Les gens ont une image du professorat qui ne correspond pas du tout à la réalité du terrain, et le salaire est beaucoup trop faible par rapport au niveau d’études demandé et au sacrifice que demandent ces études et cette carrière ».

Ceux qui souhaiteraient intégrer la fonction publique dans les années à venir sont d’abord séduits par la garantie de l’emploi (63 %). Cette stabilité salariale et de carrière est de loin la première raison poussant à s’engager dans la fonction publique. Le prestige de la fonction publique n’est que très peu mentionné, suggérant de potentielles carences.

Quelle politique pour casser ce mouvement dangereux ?

Du côté des personnes interrogées il s‘agit de proposer des rémunérations plus compétitives (82 %). Près d’un Français sur deux (43 %) considère de plus que le statut devrait être aligné sur le droit du travail privé. Dans l’enquête de la CFDT, 71,6 % des jeunes fonctionnaires interrogés estiment que leur rémunération est trop basse et 31,7 % pensent qu’elle est tout juste correcte.

Du côté de l’administration, la question de l’attractivité des métiers de la fonction publique est désormais bien identifiée. Les interrogations sur le sens du travail et de l’engagement surgissent et les décideurs constatent qu’il y a trente ans, on acceptait un emploi moins bien payé que dans le privé parce qu’il était garanti à vie. Aujourd’hui l’emploi à vie ne fait plus recette. Et puis, avec la montée du chômage, depuis cinquante ans, la fonction publique était un refuge contre la précarité. Aujourd’hui le taux de chômage est autour de 7,2 % et le marché du travail offre de nombreuses possibilités aux jeunes et d’abord aux diplômés qui constituent le public cible des futurs fonctionnaires. Et on se rappelle que ce n’est qu’en juillet 2022 que le gouvernement a mis fin à dix ans de gel de point d’indice pour les fonctionnaires.

Renforcer l’attractivité, comment ?

Les réformes envisagées par les pouvoirs publics se veulent structurantes Elles sont censées agir sur tous les leviers de la gestion des ressources humaines : recrutement, diversité, formation, santé, gestion des carrières, retraites. « Si on veut rendre les services publics efficaces, il faut davantage s’intéresser à la vie des agents. Évidemment, cela passe par la fiche de paie. Mais il faut aussi appréhender tout ce qu’il y a autour », explique le ministre.

Il travaille en concertation avec les syndicats actuellement à une refonte des carrières, au télétravail, aux questions de logements. Parallèlement des concertations ont lieu dans les ministères : à l’Éducation nationale, à la Justice…

Il est temps !


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