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Le chômage de longue durée et les populations d’origine étrangère

mercredi 11 juillet 2018

La sociabilité hors du groupe d’origine est un vecteur important d’intégration à la société d’accueil pour les populations d’origine étrangère. Une enquête française sur le chômage de longue durée des populations d’origine étrangère, évalue comment le fait d’être durablement éloigné de l’emploi influence la sociabilité hors du groupe d’origine. Des difficultés prolongées pour trouver un emploi poussent-elles certains à adopter une attitude de repli communautaire ou diminuent-elles leurs opportunités de rencontre hors du groupe d’origine ?

L’enquête française « Trajectoires et Origines » TéO créée en 2008 sur la diversité des populations en France avait pour objectif d’améliorer les connaissances sur les trajectoires sociales et les conditions de vie des migrants et leurs descendants dans la société française. (21 761 individus de 17 à 60 ans ont été interrogés).

  • En identifiant les moments clefs où les discriminations se produisent dans le parcours des personnes : orientation scolaire, recherches d’emploi, conditions de travail, relations avec les collègues ou supérieurs hiérarchiques, recherches de logement, consultations médicales, démarches dans les administrations.
  • En mesurant l’expérience du racisme subi dans l’espace public (rue, magasins, banques, lieux de loisirs, rapports avec les agents d’autorité) et le sentiment d’appartenir ou non à une minorité, éventuellement stigmatisée.

Cette nouvelle étude est basée sur le témoignage de personnes immigrées arrivées en France avant l’âge de 10 ans et victimes d’une fermeture d’entreprise ou d’un licenciement collectif. Elle propose d’évaluer quel est l’impact du chômage de longue durée sur leur sociabilité.

Le chômage de longue durée affecte-t-il la propension à nouer des liens hors de son groupe d’origine ? En France, les immigrés et leurs descendants représentent 20 % de la population d’après l’Insee. Ils ont, à caractéristiques sociodémographiques similaires, 1,2 fois plus de chance d’être des chômeurs de longue durée que la moyenne de la population.

L’influence des perspectives professionnelles sur la sociabilité : les populations minoritaires rencontrant massivement des difficultés sur le marché du travail subissent tout d’abord une perte importante en termes de bien-être.

  • Se distinguer du groupe majoritaire, de sa culture, de ses références, etc. et se rapprocher de sa culture d’origine peuvent alors apparaitre comme des moyens de compenser cette perte de bien-être. Cela offre potentiellement de nouvelles perspectives, soit du point de vue professionnel (accès à des réseaux de solidarité communautaire), soit du point de vue plus personnel (intérêt pour la culture d’origine, etc.).
  • Le fait d’appartenir à un groupe ayant été historiquement discriminé, de même que le fait de rencontrer des difficultés sur le marché du travail au plan individuel, sont parmi les principaux facteurs affectant la confiance des individus envers la société dans laquelle ils vivent.
  • L’investissement dans l’apprentissage de la langue du pays d’accueil pour les immigrés est largement dépendant des bénéfices qu’ils peuvent en tirer.
  • Plusieurs éléments peuvent compliquer l’identification d’un lien causal, comme certains facteurs inobservables (traits de personnalité ou influence de l’entre-soi dans les relations sociales).

« Parmi vos amis, combien sont de la même origine que vous ? ». L’entre-soi selon l’origine dans les relations sociales est quant à lui défini à partir de cette question posée aux individus ayant rencontré des amis au cours des 15 derniers jours précédant l’enquête, soit 90 % des chômeurs. Avoir au moins la moitié de ses amis de la même origine parmi ceux rencontrés au cours des 15 derniers jours concerne 47,3 % des chômeurs de l’échantillon.

  • La prise en compte du pays d’origine des individus et de leur statut d’immigré ou de descendant permet par ailleurs d’affiner l’analyse puisque cela permet de considérer, au moins en partie, l’hétérogénéité de l’entre-soi selon l’origine des individus,
  • Les statistiques laissent présager une corrélation importante entre les deux variables d’intérêt puisque les chômeurs de longue durée sont 59,3 % à rassembler l’essentiel de leur sociabilité vers des individus de la même origine, soit presque 20 points de plus que ceux de plus courte durée (de même, parmi les chômeurs, ceux ayant au moins la moitié de leurs amis de la même origine ont une probabilité d’être au chômage depuis au moins un an de presque 20 points de plus que les autres).
  • À défaut de disposer d’information sur le nombre d’amis, l’enquête considère la fréquence de la sociabilité des individus (avoir rencontré des amis plus d’une fois, une seule fois ou pas, au cours des 15 derniers jours), qui donne une indication de l’importance de la sociabilité dans la vie de chacun.
  • Les résultats indiquent qu’être au chômage depuis au moins un an augmente de plus de 40 % la probabilité d’avoir au moins la moitié de ses amis de la même origine.

La ségrégation dans les relations sociales engendrée par le chômage de longue durée provient :

  • D’un changement de comportement (certains décidant de se centrer davantage sur leur communauté d’origine pour accéder à des réseaux d’entraide, etc.) ?
  • D’un changement en termes d’opportunités de rencontre (certains individus ayant potentiellement d’autant moins accès à des univers de sociabilité diversifiés que la durée du chômage augmente ?

L’ampleur du lien varie entre certains groupes selon l’origine des individus (il est moins élevé pour les membres des groupes Italie/Espagne/Portugal et Vietnam/Laos/Cambodge que pour les autres.

Ainsi l’impact du chômage de longue durée sur la probabilité d’avoir au moins la moitié de ses amis de la même origine demeure pour chaque sous-échantillon. Cette étude est la première qui met en évidence une modification importante de la sociabilité du fait du chômage de longue durée subie par les populations d’origine étrangère vivant en France.

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Références