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Les exigences de contenu des forfaits jours

mercredi 25 janvier 2023

Depuis les lois Aubry en 2000, de nombreuses lois travail ont encadré l’utilisation des forfaits jours. En effet, comme les premiers usages ont souvent été très imprécis quant aux conditions du travail des salariés concernés (durée réelle, temps de repos, nombre réel de jours travaillés), plusieurs jurisprudences (Cour de cassation, Cour européenne) sont venues s’interférer dans les différents accords et la Cour de cassation a invalidé de nombreux accords de branche, obligeant les branches à les réécrire ou les modifier pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés en forfait jours. Les règlementations Covid et les accords de performance collective (APC) ont accentué les difficultés juridiques dans l’application des forfaits jours. Pourtant 15,2 % des salariés à temps complet ont un temps de travail décompté en forfait jours (21,2 % dans les entreprises de plus de 500 salariés), d’après la DARES. Leur mise en place nécessite un accord d’entreprise (prioritaire sur l’accord de branche), sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Pour les salariés en forfait jours, le temps de travail se décompte en nombre de jours travaillés sur l’année et non pas en heures. L’accord d’entreprise doit spécifier les salariés qui peuvent être concernés par des forfaits jours. De plus une convention individuelle doit être signée par le salarié (convention de forfait en jours sur l’année). Cela concerne principalement les cadres qui ont une autonomie dans leur travail et des salariés dont la durée de travail ne peut pas être prédéterminée : https://www.clesdusocial.com/...-forfait-jours-et-droit-a-la-deconnexion Prévus pour les salariés à temps plein, certains salariés atypiques peuvent aujourd’hui en bénéficier : https://www.clesdusocial.com/...calcul-indemnite-de-l-allocation-d-activite-partielle-covid-19.

La Cour de cassation a effectué ces dernières années un contrôle strict des dispositions conventionnelles servant de fondement aux forfaits jours. Il est primordial que les dispositions conventionnelles prévoient « un suivi effectif et régulier » par la hiérarchie des états récapitulatifs des temps de travail transmis, permettant à l’employeur de « remédier en temps utile » à une charge de travail incompatible avec une durée raisonnable. La Cour de cassation exige que les accords collectifs comportent des dispositions :

  • Qui assurent « la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires », une amplitude et une charge de travail « raisonnables », ainsi qu’une bonne répartition du travail dans le temps.
  • L’accord collectif doit garantir « le respect du droit à la santé et au repos » des salariés. Des dispositions conventionnelles doivent prévoir des mécanismes de contrôle et de suivi régulier de l’amplitude et de la charge de travail.
  • La Cour a jugé insuffisantes des dispositions conventionnelles prévoyant un système auto-déclaratif consistant en l’établissement d’un document de contrôle des jours travaillés et non travaillés par le salarié lui-même, sans qu’aucune obligation de réaction ne soit imposée au supérieur hiérarchique en cas de dérapage.
  • La Cour d’appel de Paris a estimé que la seule indication sur le bulletin de paie du nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait ne saurait constituer un moyen de contrôle du temps et de la charge de travail du salarié.

L’accord de performance collective (APC) se substitue de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail. L’APC peut mettre en place un dispositif de forfait annuel en heures ou en jours et il peut aussi modifier un dispositif de forfait annuel déjà en place. https://www.clesdusocial.com/le-conflit-des-logiques-au-travail-exacerbe-par-les-accords-APC.

  • Un « questions-réponses » du ministère du Travail fait le point sur les possibilités d’organiser les forfaits jours : https://travail-emploi.gouv.fr/.../accords-de-performance-collective.
  • L’APC peut modifier un dispositif de forfait annuel déjà en place. L’acceptation de l’APC par le salarié vaut acceptation de la modification de sa convention individuelle.
  • En cas d’augmentation du temps de travail des salariés en forfait jours et si, au sein de l’entreprise, des salariés ont des conventions individuelles prévoyant un nombre de jours travaillés inférieur au plafond fixé dans l’accord collectif applicable jusqu’alors, le ministère recommande que « l’APC tienne compte de cette spécificité et mentionne une augmentation chiffrée du nombre de jours travaillés plutôt que le nouveau plafond de jours afin d’éviter toute ambiguïté ».

Les procédures Covid sur le temps partiel ont profondément modifié le droit du travail et notamment celui concernant le temps partiel. Beaucoup d’entreprises ont eu recours au chômage partiel. Les salariés en forfait jours ne pouvaient être au chômage partiel que dans le cas de la fermeture temporaire totale de l’établissement. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, le gouvernement a étendu l’activité partielle aux salariés en forfait jours dont l’entreprise procédait seulement à une réduction d’horaires. Mais comment compter une journée de travail :

  • Plusieurs décrets ont indiqué que pour une journée chômée, l’employeur doit déclarer 7 heures au titre du dispositif d’activité partielle, soit 3 heures 30 pour une demi-journée.
  • Et une semaine non travaillée correspond à 35 heures non travaillées.

Depuis janvier 2022, les salariés en forfait jours ont désormais accès au dispositif de retraite progressive, ce qui n’était pas le cas auparavant puisque le dispositif de retraite progressive était subordonné à l’exercice d’une activité à temps partiel. Cela supposait que le temps de travail soit décompté en heures et non en jours : https://www.clesdusocial.fr/les-salaries-en-forfait-jours-ont-droit-a-la-retraite-progressive.

  • La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a ouvert le dispositif aux salariés en forfait jours.
  • Un décret du 26 avril 2022 précise que le bénéfice de la retraite progressive est accordé lorsque la durée de travail est comprise entre 40 % et 80 % de la durée maximale de travail.
  • Le salarié en forfait jours peut avoir accès à un forfait jours réduit mais il ne peut se prévaloir d’une requalification de son contrat en contrat à temps partiel.

Dans le cadre de la consultation obligatoire du comité social et économique sur la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et d’emploi, celui-ci doit être informé et consulté sur le recours aux conventions de forfait et des modalités de suivi de la charge de travail des salariés. Un syndicat peut engager une action pour faire constater le caractère insuffisamment protecteur de l’accord collectif relatif au forfait jours, mais il appartient à chaque salarié d’intenter son action individuelle et de la justifier.


Références

  • Forfait-jours : exigences sur la protection de la santé et sécurité des salariés : la Cour de cassation a imposé des améliorations à de nombreux accords de branches -Liaisons sociales -