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Loi travail, 2 mesures importantes sur le temps réellement travaillé : forfait jours et droit à la déconnexion

samedi 8 octobre 2016

Les forfaits jours, créés en 2000 par la loi Aubry II, touchent essentiellement les cadres (47 % d’entre eux en 2014 contre 3 % des non cadres), surtout dans les grandes entreprises et les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Les épisodes judiciaires qui sont allés jusqu’à la Cour de cassation ont démontré à la fois les dérives et les abus d’usage, notamment en temps de travail réellement réalisé, et l’insécurité juridique marquée par l’invalidation de conventions collectives (chimie, syntec, commerce de gros, experts comptables…). De même, l’usage des nouvelles technologies et l’invasion du numérique ont fini de détruire la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle, aux dépends de cette dernière.

La loi travail était donc très attendue sur ces deux points. Elle apporte du mieux pour les salariés et de la clarté juridique, ce qui leur vaut le soutien des syndicats.

Forfaits jours : négociation et maîtrise de la charge de travail

Le forfait jours est une forme de travail et de rémunération qui doit correspondre à des fonctions où la mission ne peut s’accorder avec des horaires journaliers fixes. Mais la réglementation était insuffisante, précisée seulement par la jurisprudence.

- La loi en fixe les règles d’ordre public

  • Elle délimite les salariés pouvant conclure un forfait jours : cadres autonomes et salariés ayant des responsabilités et de l’autonomie dans l’organisation de leur temps de travail ;
  • Il est obligatoire qu’il fasse l’objet d’une convention individuelle écrite entre le salarié et l’employeur ;
  • La rémunération doit être cohérente avec les sujétions imposées et la qualification ;
  • Le maximum de jours travaillés est de 218 ;
  • Si le salarié souhaite renoncer à une partie de ses congés contre rémunération, il faut un écrit entre le salarié et l’employeur incluant le taux de majoration de ce temps de travail supplémentaire ;
  • L’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail est raisonnable et permet sa bonne répartition dans le temps de travail.

- La négociation des forfaits jours

Le premier principe est que la mise en place de forfaits jours doit se faire par la négociation d’un accord d’entreprise, ou à défaut de branche.

Cet accord doit inclure :

  • Les catégories concernées ;
  • La période de référence et le nombre de jours (ou d’heures pour le forfait en heures) ;
  • Les caractéristiques que doivent contenir les conventions individuelles ;
  • Les modalités par lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail ;
  • Les modalités de la communication périodique entre l’employeur et le salarié sur la charge de travail, l’articulation vie professionnelle-vie personnelle, la rémunération et l’organisation du travail dans l’entreprise ;
  • Les modalités de l’exercice de son droit à la déconnexion ;
  • Le nombre maximal de jours travaillés.

- Les règles « supplétives », en l’absence d’accord collectif

S’il n’y a pas d’accord collectif signé, la convention individuelle inclut :

  • Le nombre et dates des journées et demi-journées travaillées, avec un document de contrôle du temps de travail du salarié ;
  • La vérification par l’employeur de la viabilité de la charge de travail dans le respect des repos quotidiens et hebdomadaires ;
  • Un entretien annuel pour évoquer la charge de travail, qui doit être raisonnable, l ‘organisation de son travail, l’articulation vie professionnelle – vie personnelle ;
  • Les modalités du droit à la déconnexion sont définies et communiquées par l’employeur, conformes à la charte de la déconnexion pour les entreprises d’au moins 50 salariés.
  • Si le salarié renonce à certains jours de repos, le temps de travail ne peut dépasser 235 jours.

En fait ces articles mettent dans les textes de loi les exigences de contenu issues des récents arrêts de la Cour de cassation.
La limite principale à cette nouvelle réglementation est la possibilité pour les employeurs de poursuivre l’application d’accords collectifs antérieurs pour les conventions individuelles, donc ne pas avoir à renégocier à partir des règles nouvelles, alors que la loi veut promouvoir la négociation collective. Les conventions et accords existants peuvent se poursuivre. Quand ils seront renégociés en respectant les clauses supplétives, les éléments s’appliqueront automatiquement aux salariés en forfait jours. Les nouvelles conventions doivent respecter les nouvelles exigences.

Cependant, dans ces mesures, une des plus importantes est l’obligation de s’assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable, et sa bonne répartition dans le temps. Pour la première fois également, la loi crée le droit à la déconnexion.

Le droit à la déconnexion

C’est un nouveau droit, qui va entrer en vigueur au 1er janvier 2017 et dont la négociation s’inscrira dans la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. La négociation sur la déconnexion doit créer les modalités d’exercice complet de ce droit pour les salariés et des dispositifs de régulation de l’usage du numérique pour assurer le respect des temps de repos et de congé comme de la vie personnelle.

S’il n’y a pas accord, l’employeur d’une entreprise d’au moins 50 salariés doit élaborer une charte, après avis du CE ou des DP. La charte devra aussi définir les modalités de fonctionnement de ce droit, et programmer des actions de sensibilisation et de formation pour les managers et les salariés au bon usage des outils numériques.

Ainsi, alors que le droit à la déconnexion n’avait pu être négocié que dans quelques entreprises (Areva) ou branches (Syntec), ce droit est généralisé et doit être négocié. Pour que son instauration réussisse, l’action de représentants du personnel (DS, CE ou DP) est essentielle. Il faudra aussi que les salariés se fassent eux-mêmes un devoir de se déconnecter !


Sources