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Ruptures conventionnelles améliorations souhaitées

dimanche 2 septembre 2012

Les ruptures conventionnelles connaissent une moyenne mensuelle de 24 000 en 2012. Une enquête sur ce que pensent les salariés utilisateurs révèle que si un quart des enquêtés a eu deux ou trois entretiens, la moitié un seul ; le dernier quart a été mis devant le fait accompli.

Elle apporte des informations nouvelles sur le contexte entourant la conclusion d’une rupture conventionnelle et permettrait d’alimenter un sondage de confirmation.

Cet échantillon recouvre des types de postes et de catégories sociales très variées, avec des amplitudes fortes de salaires et une ancienneté très diversifiée (de 3 mois à 41 ans !), dans des secteurs et des entreprises hétérogènes, avec majoritairement des très petites entreprises en province et des PME en région Ile de France. La moitié de ces entreprises ont connu une baisse importante d’activité, du chiffre d’affaires et/ou des effectifs. Une forte majorité a connu des bouleversements récents : rachats, fusions, changements managériaux et dans l’organisation du travail. Ces événements ont souvent constitué le déclencheur qui conduit à la rupture.

Ce que disent les salariés

  1. Si un quart des enquêtés a eu deux ou trois entretiens, la moitié un seul ; le dernier quart a été mis devant le fait accompli : signer le formulaire CERFA sans information ni négociation. Dans un quart des cas, les entretiens mentionnés dans ce document sont erronés. Une dizaine seulement des salariés interrogés s’est fait assister lors de l’entretien. La carence d’information sur le dispositif est attestée et interpelle les représentants des salariés.
  1. Une majorité des ruptures (57 sur les 101) peut être dite à l’initiative du salarié : 24 s’apparentent à des démissions, 27 à des prises d’acte et six à des résiliations judiciaires. Les autres (44) sont à l’initiative de l’employeur sont fondées principalement sur des motifs économiques : 18 sont proches de licenciements pour motif économique, neuf de licenciements collectifs, 14 de licenciements personnels et trois de plans de départ volontaire.
  1. Souvent combinées, les causes du départ sont diverses. Plus d’un quart des salariés a quitté son emploi, car il n’offrait pas d’évolution en termes de poste, de responsabilité et/ou de salaire, ou qu’ils rencontraient des difficultés (trajets trop longs, déménager pour suivre le conjoint). 69 salariés déclarent qu’ils n’avaient eu aucune évolution de salaires depuis plusieurs années. Dans 52 cas, les salariés évoquent la mauvaise ambiance au travail et, dans 43 cas, des conditions de travail physiques ou morales dégradées, parfois pour inciter au départ. La rupture est une forme de protestation à l’encontre du management.
  1. 35 salariés à l’initiative de la rupture auraient démissionné à plus ou moins long terme, mais les deux tiers des salariés n’auraient pas démissionné. Environ 40 % des salariés parlent de licenciement « caché » ou « déguisé ».
  1. Concernant les indemnités de rupture, elles sont, dans la grande majorité des cas (74), proches du minimum légal. Des salariés à fort salaire et à grande ancienneté, ont pu négocier, parfois avec l’aide d’un avocat, des indemnités conséquentes (100 000 €).
  1. Enfin, six à neuf mois après la rupture, les trois quarts des salariés n’ont pas repris d’activité et sont toujours inscrits à Pôle emploi. En revanche, ceux qui avaient élaboré très tôt leur projet de reconversion et qui ont suivi une formation connaissent une trajectoire qui s’est stabilisée six mois après.

Les suggestions du Centre d’études de l’emploi

La rupture conventionnelle a été conçue par les partenaires sociaux avec deux objectifs : sécuriser les ruptures du contrat de travail et promouvoir les mobilités choisies en assurant la transition entre périodes d’emploi. Si le premier objectif est atteint, comme en témoigne le très faible nombre de litiges, il n’en va pas de même du second. En effet, à peine un quart des ruptures conventionnelles de l’enquête correspond à une mobilité vraiment choisie, s’apparentant à une démission pure, avec des salariés désireux de quitter leur emploi et d’engager une reconversion professionnelle dans de meilleures conditions. Pour un tiers des interrogés, elle met fin soit à une souffrance et/ou une insatisfaction au travail. Pourtant, 84 des enquêtés portent un jugement positif sur le dispositif, principalement pour l’indemnisation du chômage. La rupture conventionnelle est perçue comme moins stigmatisante que le licenciement.

Il remarque que la rupture conventionnelle ne recouvre pas tous les cas de mobilité, son accès dépendant du bon vouloir de l’employeur. Les salariés, dont l’employeur refuse de conclure une rupture conventionnelle, n’ont pas d’autre choix que de démissionner ou de renoncer à leur reconversion. Or on ne connaît pas la proportion de salariés en emploi qui se sont vu refuser par leur employeur une rupture conventionnelle. Les auteurs de l’étude proposent donc d’améliorer le régime de la démission (et non celui de la rupture conventionnelle), en donnant accès à l’assurance chômage aux salariés concernés, dans les cas où ils présentent un projet sérieux de formation ou de création d’entreprise. Ce dispositif n’imposerait pas le versement d’une indemnité de rupture, mais maintiendrait le préavis, ce qui permettrait de sécuriser pour le salarié la transition entre l’emploi et la mise en place de son projet.

Dans tous ces cas (rupture conventionnelle, démission), le CEE demande une intervention de Pôle emploi, pour assurer un accompagnement dans leurs démarches.

Le recours à la rupture conventionnelle est également inadapté lorsque le salarié est en souffrance et/ou en conflit dans l’entreprise : la rupture conventionnelle incite à choisir la voie de la séparation, voire la suppression de l’emploi, au lieu de donner aux salariés des instruments leur permettant de négocier et d’améliorer les conditions de travail sur place. Elle individualise la solution, éludant la dimension collective des problèmes. Le CEE propose donc d’instaurer des instances permettant le traitement des conflits à l’intérieur des entreprises pour les problèmes liés à l’exécution du travail. Ces instances permettraient d’offrir un droit individuel d’expression au salarié, mais faciliteraient également l’expression collective de réclamations pour les entreprises ne disposant, ni d’IRP ni de syndicats.

Ces propositions du rapport semblent ignorer que, dans l’entreprise, l’accompagnement du salarié, sur tous ses problèmes – et d’abord les situations conflictuelles -, est le rôle premier des délégués du personnel et des instances de représentation existantes. Pour les entreprises sans représentants, il pourrait être fait appel aux conseillers du salarié. L’accompagnement par Pôle emploi se justifie lorsque le salarié a effectivement quitté l’entreprise.

La procédure elle-même doit être améliorée suggère le C.E.E. : certes les textes d’encadrement imposent un ou plusieurs entretiens, mais sont muets sur l’initiative et le formalisme de cet entretien. Or cette imprécision peut être mise à profit de l’employeur pour baptiser « entretien » tout échange intervenu entre les parties (échange informel, rendez-vous téléphonique, etc.). Les auteurs du rapport recommandent de formaliser l’invitation à l’entretien préalable, qu’elle se fasse à l’initiative de l’employeur ou du salarié, afin d’éviter que l’entretien ne se limite pas à la remise pour signature du formulaire Cerfa prérempli. Compte tenu de l’ignorance des salariés sur leurs droits à l’assurance chômage, il serait nécessaire d’imposer, avant la signature de la convention, un diagnostic de situation des droits du salarié, qui pourrait être établi par Pôle emploi. Enfin, le contenu lui-même de la convention de rupture conventionnelle doit permettre de régler toutes les questions relatives au contrat (salaires, participation, DIF, clauses de non-concurrence, etc.). D’où l’importance de compléter le formulaire Cerfa sur ces points.

Enfin, constatant que tous les salariés interrogés ont souligné la rapidité avec laquelle ils se sont trouvés en dehors de l’entreprise, les auteurs de l’étude souhaiteraient introduire un délai de préavis, qui courrait à compter de l’homologation, et dont l’employeur pourrait dispenser le salarié le cas échéant.

Au-delà de ces propositions, l’ampleur prise par le dispositif suppose certainement que les organisations syndicales se saisissent d’un constat qui les invite à développer une information spécifique, une action de conseil des salariés, que ce soit par les équipes syndicales, les élus ou les conseillers du salarié.

Le Centre d’études de l’emploi (CEE) a analysé, à l’initiative de la CFDT, un échantillon de 101 ruptures conventionnelles enregistrées en novembre 2010, sous le titre « Des ruptures conventionnelles vues par des salariés ». Il s’agit en effet de l’exploitation d’entretiens approfondis en face à face de 56 hommes et 45 femmes entre avril et juillet 2012.


PS :

télécharger le dossier du centre d’études de l’emploi (pdf taille 1.2 Mo)