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CGT, Medef : deux côtés du miroir ?

samedi 23 avril 2016

Le dialogue social se tend sérieusement au niveau national en France en ce moment. Alors que certains essaient de trouver les voies de compromis sociaux positifs, certes difficiles à construire mais permettant une modernisation des rapports sociaux face aux évolutions économiques et sociales, d’autres parmi les plus importants des partenaires sociaux se figent dans des attitudes de blocage ou de chantage. Et cela au moment où le chômage atteint des niveaux records et où le travail tend à se détacher de l’emploi avec le développement de formes nouvelles d’emploi. Là où il faudrait chercher des réponses collectives et partagées, ils privilégient l’affrontement, rejetant sur l’autre tous les maux de notre société.

D’un côté, la CGT en congrès condamne toutes les négociations (ANI de décembre 2013 sur la formation professionnelle, accords sur l’assurance chômage, Ani sur les retraites complémentaires) et lois récentes ou en cours (dont bien sûr le projet de loi travail). Elle remet en question le dialogue social « dont le sens, le contenu et l’utilité ne sont jamais posés dans l’intérêt des salariés ». Malgré son affaiblissement dans les entreprises comme au niveau national, la CGT préfère souvent dans ses derniers bastions la vieille technique du blocage comme conception des rapports sociaux.

En face, le président du Medef menace de chantage à la négociation Unédic si l’État ne cède pas à ses oukases concernant la loi travail actuellement en discussion. Il exige le retrait de 3 points : le CPA (compte personnel d’activité), la surtaxation des CDD et le mandatement syndical de salariés dans les TPE-PME, alors que le CPA est la vraie nouveauté de ce projet de loi - que le MEDEF lui-même a négocié positivement - et que les deux autres points sont le fruit du compromis de l’État avec les syndicats qui ont accepté de discuter du projet. Et dans ce chantage, la situation des chômeurs compte peu pour lui ! De même que comptent peu les autres organisations patronales (UPA, UNAPL et UDES) ulcérées par la façon de trancher, à la demande du Medef, la question de la représentativité patronale dans le projet de loi travail. Le mode de calcul leur laisse peu de place et ils sont désormais en rupture avec le Medef.

Des deux côtés de ce miroir traditionnel, archaïque face aux mutations actuelles, la conception du rapport de force prime sur la négociation. De telles attitudes laissent craindre que ces acteurs laissent encore passer le train de la modernisation négociée. Mais n’est-ce pas une preuve de leur faiblesse ?

La France a du mal à sortir de la gangue des relations sociales nationales politisées avec l’État. Pourtant la négociation d’entreprise est une réalité. Elle engage des adhérents du MEDEF et aussi des représentants syndicaux CGT. Ceux-ci signent presqu’autant d’accords que les représentants des autres syndicats. Pour preuve de réussite de la négociation d’entreprise : les salaires effectifs des entreprises sont supérieurs de près de 50 % des salaires conventionnels. Négocier suppose des règles, des institutions représentatives du personnel, (DP, CE, CHSCT…), une expertise autonome, une capacité d’anticipation, une ingénierie d’entreprise pour obtenir des contreparties. De plus, la dernière loi Rebsamen renforce ce rôle de négociation et de reconnaissance des partenaires sociaux.

On semble donc bien être dans un moment capital de la conception des relations sociales en France, entre les vieux réflexes d’affrontement et le développement d’un dialogue social qui n’éteindra certainement pas les conflits mais souhaitera les trancher par la négociation. La clarification est essentielle, car sinon la place et le rôle des partenaires sociaux seront sérieusement remis en cause : ainsi que, par exemple, le dit déjà un des candidats à la primaire des Républicains, Bruno Lemaire, qui agira par ordonnances, s’il est élu, sans consulter les partenaires sociaux.

La société française va-t-elle une nouvelle fois céder à ses vieux démons et revenir à ses vieux délices de la confrontation en s’en remettant au final à un homme ou une femme providentiels et à l’Etat, sensés répondre à tous les problèmes ? Chacun sait que cette conception des rapports sociaux mène à l’impasse. Au contraire, l’avenir réside dans un échec de plus en plus net de ces conceptions d’action anciennes, au profit de la réussite de relations sociales dynamiques apportant des garanties nouvelles.