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Emploi, enfant et aspirateur : quelles évolutions chez les jeunes couples depuis 2005 ?

mercredi 12 mai 2021

C’est sous ce titre imaginatif que le CEREQ explore ses passionnantes et riches enquêtes Génération pour documenter ce double processus de construction familiale et professionnelle sur les sept premières années qui suivent la sortie de formation initiale. Les enquêtes s’attachent aux jeunes en couple en 2005 et en 2017. Où en sont les stéréotypes de genre, la répartition des tâches domestiques, les évolutions de carrière pour les femmes et les hommes… Quelles évolutions et quelles permanences à 12 ans d’intervalle !

Une enquête très précise

Les résultats présentés s’appuient sur l’exploitation statistique des enquêtes Génération pour les jeunes ayant terminé leur formation initiale en 1998 et 2010. Le Cereq les a suivis jusqu’à l’automne 2005 (pour ceux ayant terminé leur formation initiale en 1998) et à l’automne 2017 (pour ceux ayant terminé en 2010). Les jeunes concernés vivent en couple au moment de cette interrogation, un peu plus de 7 ans après la fin de leurs études. L’objectif des deux enquêtes est d’analyser les liens entre débuts de carrière professionnelle et début de « carrière » familiale.

Des questions simples mais éclairantes

« Qui passe le plus souvent l’aspirateur chez vous ? », « Qui prépare le repas du soir le plus souvent, quand vous êtes ensemble chez vous ? » et « Qui fait les courses le plus souvent ? ». Les possibilités de réponses offertes à ces questions étaient : « Vous », « Votre conjoint », « Les deux indifféremment », « Les deux ensemble » ou « Quelqu’un d’autre ». De ces réponses, le CEREQ a tiré une typologie.
« Dans un couple « traditionnel », la femme effectue elle-même ces trois tâches, ou en effectue deux, la troisième étant soit partagée avec le conjoint, soit déléguée à un tiers. Dans un couple « paritaire », les deux membres du couple se répartissent les tâches ou délèguent de façon à être autant impliqués ou que l’implication de la femme ne dépasse pas celle de l’homme de l’équivalent d’une tâche entière. Enfin, un couple est qualifié de « moderne » quand la femme est globalement moins impliquée que l’homme dans la réalisation de ces tâches domestiques ».

L’arrivée sur le marché du travail et la construction de la vie familiale : première distanciation

Le grand intérêt de l’enquête est de montrer comment les premières années de vie active s‘articulent avec les débuts de la vie conjugale et familiale. La première différence intervient là pour les hommes et les femmes. Car si hommes et femmes accèdent à l’emploi de manière proche, ce n’est pas le cas pour leur trajectoire familiale et cela persiste au fil des générations. Parmi les sortants de formation initiale de 2010 comme de 1998, les jeunes femmes sont deux fois plus nombreuses que les jeunes hommes à être déjà installées en couple à la fin de leurs études. Cependant, en 2017, seulement 43 % d’entre elles et 20 % d’entre eux ont au moins un enfant (contre respectivement 55 % et 29 % en 2005 pour la Génération 98). Une légère différence !

Être mère ou père, ce n’est pas la même chose

En 2017 comme en 2005, la situation professionnelle des jeunes hommes en couple ne paraît pas avoir été affectée par une éventuelle paternité, ni par le nombre d’enfants. In fine, quelle que soit leur situation familiale, la grande majorité d’entre eux (89 %) travaillent à temps plein, 4 % à temps partiel et 7 % ne sont pas en emploi.

Mais ce n’est pas le cas des jeunes mères. Leur situation professionnelle diffère nettement de celle des jeunes femmes qui ne sont pas mères. Tout d’abord, elles sont plus nombreuses à ne pas travailler : 14 % des mères de plusieurs enfants sont inactives et 11 % sont au chômage, contre respectivement 4 % et 8 % des jeunes femmes sans enfant. Toutefois, ces proportions diffèrent fortement selon leur niveau scolaire : en 2017, l’inactivité concerne 4 % des jeunes mères diplômées d’un Bac+5 ou plus et 23 % de celles diplômées de l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les femmes sont toujours plus nombreuses à travailler à temps plein quand elles n’ont pas d’enfant que lorsqu’elles sont déjà mères, là aussi avec une différence pour les jeunes femmes diplômées de l’enseignement supérieur long.

L’adaptation à l’enfant

Cette adaptation est d’abord le fait des mères. Elles adaptent beaucoup plus fréquemment leur activité à la suite d’une naissance que les jeunes pères. Ainsi, 14 % des pères, mais près de la moitié des mères (49 %), déclarent que la naissance de leur premier enfant a eu une ou plusieurs incidences sur leur emploi. L’arrivée d’un deuxième enfant a encore davantage d’incidences pour les mères en emploi puisque 61 % d’entre elles déclarent explicitement un changement professionnel à cette occasion, contre, invariablement, 14 % des pères.

Le CEREQ observe toutefois une baisse considérable du recours au congé après le deuxième enfant entre les deux Générations (-16 points). Son hypothèse est que la forte augmentation du niveau de diplôme des jeunes mères entre les deux Générations, conjuguée aux évolutions du cadre règlementaire et des prestations associées au congé parental ont réduit le renoncement provisoire à l’activité professionnelle de l’un d’entre eux.

Malgré cette avancée, le CEREQ constate que la situation professionnelle des femmes et des hommes est toujours inégale. Ce fait interroge les rôles sociaux au sein des couples et la place que chacun s’accorde ou s’assigne dans les sphères professionnelle et privée.

Mais la polarisation des rôles sociaux au sein des couples s’affaiblit d’une Génération à l’autre

Bonne nouvelle, la part des couples où la femme s’occupe principalement des tâches ménagères (couple « traditionnel ») a diminué entre les deux Générations. Si 49 % des jeunes en couple déclaraient être dans ce cas en 2005, ils sont 36 % en 2017. Les variations dans cet investissement domestique différent selon le capital scolaire et social des jeunes femmes. Quelle que soit la Génération observée, la part des couples « traditionnels » diminue systématiquement au fur et à mesure qu’augmente le niveau de diplôme des enquêtées.

Permanences et évolutions

Les auteurs constatent que tous les clivages ne sont pas balayés et que de fortes disparités sexuées subsistent dans les jeunes couples de 2017 comme la réduction ou la suspension de la participation des femmes à l’emploi. Mais, même là, des évolutions favorables se dessinent. Ainsi cette mise à distance de l’emploi apparaît plus transitoire et moins porteuse de conséquences sur leur participation au marché du travail à moyen terme. De plus, le CEREQ note que cette évolution va de pair avec un certain affaiblissement de la polarisation des rôles sociaux dans la répartition du travail domestique au sein des couples en dépoussiérant ainsi certains stéréotypes. Pour les auteurs, « ces évolutions apparaissent heureuses au regard des risques, toujours réels, d’une dissolution de la cellule familiale et des conséquences économiques auxquelles elle expose les femmes en situation de parent isolé ».

Enfin, le centre s’interroge sur la portée de la nouvelle réforme du congé de paternité étendu à partir de juillet 2021 à 28 jours ? Affaire à suivre dans les prochaines enquêtes.

En conclusion

Ces différentes enquêtes viennent valider les politiques publiques qui s’attaquent depuis 20 ans à la question des inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail. Articulant égalité professionnelle entre les sexes mais aussi articulation des temps de vie au sein des familles, ces politiques publiques, portées aussi par l’Union européenne, visent à soutenir le rapprochement des carrières des femmes et des hommes, reconnaissant ainsi que la construction familiale et ses implications sur la carrière professionnelle pèsent incontestablement plus sur les épaules des femmes.


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