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Représentation collective ou participation individuelle ?

mercredi 4 décembre 2013

Le management contemporain ne cesse d’intégrer de nouveaux concepts, le plus souvent issus des Etats-Unis, réputés apporter de l’efficacité aux entreprises, et par là des surplus de compétitivité. Jusqu’à ce qu’une nouvelle notion ne vienne submerger la précédente. D’où l’intérêt de faire le point sur l’une de celles qui circulent en ce moment.
Avec Rémi Bourguignon, Maitre de Conférences à l’IAE de Paris – Sorbonne.

Pouvez-vous définir la notion d’enpowerment qui peut signifier, implication, participation …

  1. Depuis le début des années 1980, les spécialistes du management se sont emparés de la notion d’empowerment pour questionner la relation d’emploi dans l’entreprise. Il s’agirait de passer d’une relation de défiance à une relation de confiance en responsabilisant et autonomisant des salariés là où le management avait pris l’habitude de contrôler au plus près les individus.
  2. Il serait en réalité plus juste de dire que les spécialistes ont polémiqué sur cette notion qui est loin de faire consensus [1] . Un certain discours enthousiaste impulsé notamment par Rosabeth Moss Kanter tient qu’en partageant la décision avec les salariés et en leur donnant accès aux ressources pertinentes, les managers stimuleraient la créativité, l’implication et la flexibilité desdits salariés. Un jeu à somme positive en bref, puisque cette approche du management serait bénéfique autant pour les individus que pour l’entreprise. Toutefois, ce discours rencontra une dizaine d’années plus tard, sous la plume d’un autre « gourou » du management, Chris Argyris, un regard sceptique qui tient pour sa part que les pratiques des entreprises sont restées centralisées et que le décalage entre discours et pratiques vise à dissimuler ce qui n’est autre qu’un nouvel outil de contrôle et de domination.

Quels sont les arguments des uns et des autres ? Et qu’en pensez-vous ?

  1. Parmi les reproches adressés à la notion d’empowerment figure un soupçon d’anti-syndicalisme. Le développement des modalités de participation directe des salariés ne serait-il pas motivé par l’affaiblissement qui en découlerait des structures collectives de représentation des travailleurs, et notamment du syndicalisme ? Aussi, une vision classique en la matière est de penser ce lien entre participation directe et institutionnelle des salariés dans l’entreprise en termes de substitution. En donnant la possibilité aux individus de s’exprimer et d’influencer les pratiques managériales, la représentation des travailleurs deviendrait inutile.
  2. Une étude récente (Economic and Industrial Democracy, November 2013 [2] ) vient opportunément discuter ce présupposé. Son auteure, cherchant à démontrer que ces deux formes de représentations se complètent, a croisé plusieurs enquêtes internationales. Ses résultats témoignent finalement d’une corrélation significative entre le taux de syndicalisation et le degré d’empowerment perçu par les salariés des 27 pays de l’Union Européenne. Pour l’auteure, ces résultats montrent que l’action syndicale ne se réduit pas à la négociation salariale mais aussi à la promotion des conditions de travail et, en particulier, au degré d’autonomie et de participation des salariés.
  3. Au final, cette étude s’inscrit dans le prolongement d’une série de travaux dédiés à l’articulation entre démocratie sociale et autonomisation des salariés dans l’entreprise et dont les résultats convergent vers un constat de complémentarité plutôt que d’opposition. Une piste de travail pour les organisations syndicales ?

Diverses traductions ont été proposées en français : « autonomisation », « responsabilisation ».


 

 

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