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Les conséquences des ordonnances 2017 sur la santé au travail

mercredi 24 avril 2024

Les ordonnances de septembre 2017 ont supprimé dans les entreprises les instances de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Depuis janvier 2020, ses missions sont exercées par le comité social et économique (CSE), d’où une réorganisation des institutions représentatives du personnel (IRP). Conséquences : une modification en profondeur de la nature et des modalités du dialogue social dans les entreprises.

Conséquences institutionnelles : suppression des comités d’entreprise (CE), des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des délégués du personnel (DP). La nouvelle mesure instaure des comités sociaux et économiques (CSE) dans les entreprises d’au moins 11 salariés et des commissions de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Les syndicats ont critiqué ces réformes dès l’annonce des ordonnances. C’est d’abord une conséquence mécanique : « le seuil d’obligation de mise en place d’une CSSCT a été fixé à 300 salariés, contre 50 salariés pour un CHSCT, cela laisse un nombre important d’établissements ou d’entreprises sans structure spécialisée dans le traitement de ces questions », avec des règles plus strictes entre titulaires et suppléants, des diminutions de temps de délégation, de manque de temps au CSE pour traiter de sujets spécifiques.

L’enquête de la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), confirme qu’en 2017 les CHSCT étaient présents dans 53,1 % des entreprises de 50 à 299 salariés contre 25,8 % pour les CSSCT en 2021.

Une étude de l’IRES (institut de recherches économiques et sociales) s’interroge sur l’évolution qualitative qu’ont pu produire ces ordonnances en termes de traitement des problématiques sur la santé et la sécurité au travail (SST) au sein des entreprises :

  • Le fonctionnement des IRP est-il efficace ?
  • Les élus du personnel ont-ils les ressources pour pouvoir agir ?
  • Les employeurs sont-ils sensibles à ces sujets ?
  • Le dialogue social sur ces questions est-il à la hauteur ?

Après enquête, les auteurs de l’étude de l’IRES expliquent : « De manière générale et sauf exceptions, les ordonnances ont dégradé les capacités de prise en charge de la SST par les élus du personnel dans les entreprises », soit une évaluation nettement négative :

  • Les interviewés considèrent majoritairement que la situation antérieure avec le CHSCT permettait de disposer de plus de poids pour porter les sujets de SST et de les faire avancer dans la relation avec l’employeur.
  • Beaucoup d’entreprises sont sans CSSCT, alors qu’il existait auparavant un CHSCT.
  • Une moindre attention portée aux questions de SST par l’employeur et au sein des IRP. Par manque de temps, le CSE ne donne pas une priorité à ces dossiers. Des sujets ont du mal à être inscrits à l’ordre du jour.
  • Un temps inférieur consacré à la SST dans les réunions des instances et par les élus, du fait de la baisse globale du nombre de mandats et d’heures de délégation.
  • Des activités et des pratiques réduites des élus dans ce domaine (analyses d’accidents, actions de communication, comptes-rendus spécifiques sur ces sujets).
  • Le suivi des dossiers se fait difficilement (absence de PV, comptes-rendus abrégés, manque de traçabilité…).

Une recomposition défavorable du système d’acteurs, notamment sur les ressources d’expertise extérieures à l’entreprise qui s’amenuisent, avec des médecins du travail et des inspecteurs du travail qui représentent des appuis fragilisés dans leur rôle et leurs capacités d’actions, avec la diminution du recours aux cabinets d’expertise, ainsi que la faible sollicitation des structures syndicales extérieures à l’entreprise sur ces sujets :

  • Une distanciation entre les élus et les salariés, d’où une baisse d’intérêt pour les questions de SST avec la baisse des moyens à la disposition des élus.
  • Des difficultés d’articulation CSSCT/CSE.

Une réforme inutile pour les petites entreprises : les réformes de 2017, malgré la mise en place des CSE à partir de 11 salariés, n’ont pas changé grand-chose pour le traitement de SST : des directions moins bien formées, une moindre allocation en ressources par le droit du travail (nombre d’élus et d’heures de délégation, absence de CSSCT…).

Le bilan négatif fait par cette étude confirme les autres travaux : constat d’un affaiblissement significatif de la capacité d’agir des élus en matière de SST, conséquences de plusieurs formes de dualisme, divergences ou déconnexions qui impactent le traitement des questions SST :

  • Le niveau central du dialogue social d’entreprise et le niveau local (accentuation de la centralisation).
  • Le traitement des problématiques de santé physique et les risques psycho-sociaux (RPS) sont davantage pris en charge dans une pratique individualisante.
  • Une perte de proximité avec le fonctionnement des IRP et le lien avec les salariés, l’ancrage dans le terrain.
  • Les CSE privilégiant les enjeux stratégiques économiques et les CSSCT plus techniques qui ont du mal à trouver leur place.
  • Un éloignement des réalités du travail, de l’organisation du travail et du management.
  • Différence entre les grandes entreprises et les plus petites : celles qui ont un accord sur le CSE ou le dialogue social et celles (le plus grand nombre) qui appliquent le minimum légal.

Les nombreuses enquêtes montrent à quel point le traitement des sujets de santé, sécurité, travail (SST) dans les entreprises a souffert ces dernières années. Il est nécessaire d’augmenter, par la négociation, les accords sur le CSE, les accords de branche ou les accords nationaux pour une amélioration du système concernant les salariés, les entreprises, la société : conditions de travail, prévention des risques, absentéisme et turn-over, gestion de l’assurance maladie, place du travail dans notre société…


Références