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Que deviennent les jeunes des quartiers prioritaires de la ville après leur bac ?

mercredi 12 août 2020

Alors que s’est achevée une année scolaire « inédite » et que les jeunes bacheliers de 2020 ont eu récemment leurs résultats, le CEREQ dans une enquête opportune s’est intéressé à l’avenir des jeunes des quartiers prioritaires de la ville (QPV) après le bac. Comment jouent leur appartenance sociale mais aussi leur lieu de résidence ? Comment poursuivent-ils ou pas leurs études ? Comment s’insèrent-ils dans l’emploi ? Décryptages.

Des difficultés spécifiques pour décrocher le bac et après le bac

Les lycéens des quartiers prioritaires font face à des difficultés spécifiques pour décrocher le bac et poursuivre des études supérieures. Ils cumulent les handicaps dès les premières années de leurs parcours scolaire et professionnel. C’est ce que démontre cette étude, commune entre le Céreq et l’Agence nationale de la cohésion des territoires, sur les jeunes qui, sortis en 2013 du système éducatif, résidaient en quartier prioritaire au moment du bac. D’avril à juillet 2016, le Céreq a interrogé 19 500 jeunes représentatifs des 693 000 jeunes qui ont quitté pour la première fois le système éducatif en France au cours ou à l’issue de l’année scolaire 2012-2013. Sur une même génération 29 % des jeunes des QPV sont non diplômés et 17 % ont un diplôme inférieur au bac (CAP, BEP). 54 % ont le bac.

Une trajectoire marquée d’abord par leur appartenance sociale…

Ces jeunes sont massivement issus de milieux familiaux immigrés (pour la moitié d’entre eux) ou populaires (plus de la moitié bénéficie d’une bourse sur critères sociaux). Ils sont plus souvent scolarisés dans des lycées dits « défavorisés » et caractérisés par une faible mixité sociale.

… Mais aussi leur quartier de résidence au moment du bac

Les chercheurs du CEREQ appellent cela l’« effet quartier » . Il est évolutif dans le temps et peut revêtir diverses dimensions. En premier lieu, ces jeunes peuvent souffrir de conditions de vie défavorables à leurs études. On l’a vu durant le confinement avec des logement très petits, suroccupés et des équipements insuffisants. La ségrégation sociale qu’ils vivent nuit aux apprentissages. On peut citer l’affectation, dans des établissements scolaires accueillant des publics défavorisés, la rotation et la jeunesse plus marquées du personnel enseignant et parfois des infrastructures défaillantes. Les chercheurs notent aussi le problème de l’acquisition d’informations, tout au long de leur parcours, sur leurs orientations scolaires, les opportunités d’emploi... Cet « effet quartier » peut aussi recouvrir des pratiques empreintes de préjugés à leur égard, dans les phases d’orientation comme plus tard sur le marché du travail.

La prégnance du bac pro

Les jeunes des QPV ont massivement intégré au lycée la filière professionnelle, bien plus que les jeunes des autres quartiers voisins. En 2013, ils sont aussi souvent titulaires d’un bac pro que d’un bac général (38 % dans les deux cas), contrairement à ceux des autres quartiers (respectivement 23 % et 54 %). La surreprésentation de bacheliers professionnels parmi les jeunes de ces quartiers explique pour une large part qu’ils se soient un peu moins souvent engagés dans des études post bac (70 %, contre 77 % pour les bacheliers des autres quartiers). Mais, en raisonnant par filière, le taux de poursuite d’études des bacheliers professionnels des QPV apparaît nettement supérieur à celui de leurs homologues hors QPV (40 %, contre 33 %).

Les vœux d’orientation formulés en terminale varient sensiblement selon le lieu de résidence des lycéens.

Les jeunes des quartiers prioritaires émettent des vœux d’orientation vers des filières moins sélectives. Ainsi, qu’ils soient bacheliers professionnels, technologiques ou généraux, ces jeunes postulent moins souvent aux filières les plus élitistes (IUT, écoles d’ingénieurs, de commerce, d’art.…) et davantage aux formations de proximité (les STS, 45 % de bacheliers des QPV contre 32 % des bacheliers des autres quartiers) ou non sélectives (l’université). Les jeunes bacheliers pros des QPV sont plus nombreux que ceux des autres quartiers à formuler un vœu universitaire (24 % contre 14 %) et, inversement, les bacheliers généraux de ces quartiers sont moins nombreux à candidater à une classe préparatoire aux grandes écoles (14 % contre 22 %).

Inégalités sociales et contextes locaux des scolarisations et des processus d’orientation contribuent à expliquer ces écarts, niveau scolaire en moyenne plus faible ou, comme pour les jeunes issus de l’immigration, une forme d’autocensure et une information partielle sur la palette des formations possibles ou encore un effet du coût des mobilités pour ces jeunes. Aussi, il n’est pas étonnant que les jeunes issus de QPV échouent systématiquement davantage dans le supérieur que les autres bacheliers, en particulier les femmes et les bacheliers professionnels.

L’insertion dans l’emploi

Compte tenu du rôle du diplôme au moment de l’entrée sur le marché du travail, ils font face à des conditions d’insertion plus difficiles. Ainsi, 37 % d’entre eux sont dépourvus d’emploi trois ans après leur sortie de formation initiale, contre 22 % pour leurs voisins de l’époque. Leurs trajectoires professionnelles sont plus erratiques : ils ont accédé moins rapidement à leur premier emploi et ont passé au cours de ces trois années moins de temps en emploi que les autres jeunes. En revanche, parmi ceux ayant accédé à l’emploi, les contrats de travail obtenus sont assez comparables : en 2016, 59 % des jeunes en QPV au moment du bac occupent un CDI ou sont fonctionnaires (emploi « durable »), contre 60 % pour ceux des autres quartiers.

Mais des différences réapparaissent concernant la nature des emplois obtenus ; trois ans après leur sortie de formation initiale, 53 % des jeunes, bacheliers ou plus, des quartiers prioritaires sont cadres ou professions intermédiaires, contre 63 % de ceux résidant dans un quartier autre. À l’inverse, ils sont plus souvent employés ou ouvriers (45 %, contre 35 %).


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