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Retraites : doit-on agir avant 2030 ?

samedi 10 juillet 2021

Le déficit des retraites a augmenté en 2020 : baisse des rentrées de cotisations due au Covid 19, augmentation du vieillissement (papy-boom) et faible mortalité. Ce déficit va augmenter au moins jusqu’en 2030. Doit-on prendre des mesures d’économie et lesquelles ? Ex : report de l’âge de la retraite, sachant qu’avec les mesures précédentes, un grand nombre de personnes ne sont plus en emploi avant d’atteindre l’âge de la retraite et vivent de la solidarité. Doit-on baisser le montant des retraites ? L’indexation sur les prix et non plus sur les salaires (réformes 1987,1993) fait baisser régulièrement le montant des retraites au fil des ans. En période de croissance, l’écart entre actifs et retraités se creuse plus vite. Le système de retraite possède 133 milliards d’euros de réserves. Peut-on se permettre d’attendre 2030 ? La huitième édition du rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) fait 3 séries de projections financières (haute, moyenne, basse) pour les années à venir.

Pour le court et moyen terme : ce rapport intègre les éléments connus à sa date d’élaboration. Il s’appuie sur les hypothèses économiques du programme de stabilité 2021-2027, sur les comptes définitifs 2018, semi-définitifs 2019, provisoires 2020 publiés par l’INSEE.

Le déficit du système de retraite s’est creusé très massivement en 2020 et atteint 18 milliards d’euros, soit 0,8 % du PIB. Ce déficit conjoncturel se réduirait à près de 0,4 % de PIB en 2021, en lien avec le rebond de l’activité.

À l’horizon 2030, la part des dépenses de retraite dans le PIB serait un peu moins élevée que dans les projections de novembre 2020. Les dépenses progresseraient moins vite compte tenu de la révision de l’espérance de vie et, à court terme, par la prise en compte de la surmortalité liée au Covid-19. À cet horizon, le PIB reviendrait sur sa trajectoire de croissance équilibrée et le solde serait essentiellement structurel.

À partir de 2030, la part des dépenses de retraites dans le PIB baisserait dans tous les scénarios. À l’horizon 2070, la part des dépenses de retraite serait inférieure à celle de 2019.

Quelle est la part de la richesse nationale consacrée aux retraites ? Cet indicateur est déterminant pour évaluer la soutenabilité financière du système de retraite, il exprime le niveau de prélèvement qu’il faut opérer. La grande variabilité d’un scénario économique à l’autre traduit la forte dépendance du système de retraite à la croissance qui s’explique par la revalorisation sur les prix des droits acquis et des pensions. C’est au politique de définir si ces niveaux sont trop ou pas assez élevés. En 2020, il est à 14,7 % du Pib (niveau élevé).

Pourquoi la part des dépenses de retraite baisserait-elle dans le PIB sur le long terme ? Le ratio entre le nombre de personnes de 20 à 59 ans et celui des personnes de 60 ans et plus passerait de 1,9 en 2020 à 1,3 en 2070. Malgré cet effet défavorable, les dépenses de retraites en pourcentage du PIB diminueraient du fait de la baisse de la pension moyenne rapportée au niveau d’activité. Elle varierait entre 31,6 % et 36,5 % en 2070 contre 50,1 % actuellement.

Comment ces dépenses sont-elles financées ? Elles représentent actuellement près de 31 % des revenus des actifs et 75 % du financement des retraites proviennent des cotisations sociales. Le reste est constitué d’impôts et taxes affectés et d’autres ressources qui proviennent des prises en charge de l’État, de transferts d’organismes tiers, tels que l’assurance chômage ou la branche famille :

  • En 2020, les ressources par rapport à 2019 ont baissé de 4 % en termes réels (repli brutal de l’activité).
  • Le déficit du système de retraite s’est creusé.
  • Si l’on prend en compte le versement de 5 Mds d’euros du fonds de réserve, le déficit est réduit à 0,6 % du PIB.
  • La crise sanitaire a sensiblement affecté le montant des réserves (forte chute des cours boursiers en 2020). Ce rapport n’inclut pas la remontée des cours en 2021.
  • Fin 2020, la situation patrimoniale de l’ensemble des régimes par répartition (réserves constituées moins dettes accumulées), s’établissait à 89 milliards d’euros soit 3,9 % du PIB en défalquant la dette à rembourser par la CADES estimée à 88 Mds.

Ces comptes sont conventionnels, compte tenu de l’équilibrage annuel de la part de l’État dont bénéficient certains régimes spéciaux (régime de la fonction publique de l’État, SNCF, RATP, régime des mines, marins ou encore régime des ouvriers de l’État). Ils sont par construction en permanence en équilibre. Trois conventions comptables concernent le régime de la fonction publique de l’État et les autres régimes spéciaux.

  • Ces 3 conventions conduisent à des niveaux différents de contribution et de subvention de l’État au système de retraite, conséquence d’une vision contrastée sur l’équilibre financier du système de retraite.
  • Seule l’approche par le ratio de dépenses des retraites dans le PIB permet une lecture économique de la situation financière des retraites et non pas celle par les soldes des retraites.

Quelle est la sensibilité des résultats aux hypothèses retenues ? Pour cette étude, les scénarios retenus se basent sur les hypothèses basses d’espérance de vie et de natalité des dernières projections démographiques de l’INSEE :

  • 1,8 enfant par femme (au lieu de 1,95). Conséquence d’une augmentation de la part des dépenses de retraites dans le PIB d’environ +0,7 point en 2070.
  • Modération des gains d’espérance de vie.
  • Le solde migratoire reste inchangé : à +70 000 personnes par an. Conséquence d’une diminution d’environ -0,6 point en 2070.

La situation financière dépendra aussi de l’hypothèse du taux de chômage (4,5 % ou 10 %). Dans le cas d’un taux de chômage plus élevé ou moins élevé, l’ensemble des projections de la part des dépenses dans le PIB sera plus ou moins élevé. L’ampleur de ces écarts est bien plus faible sur le résultat que celle des différentes hypothèses de croissance de la productivité du travail.

Quelles conséquences sur le niveau de vie des retraités ? En 2018, le niveau de vie moyen des retraités était légèrement supérieur (+2,9 %) à celui de l’ensemble de la population. Il a fortement progressé depuis 1970. Suivant les différents scénarios, le niveau de vie relatif des retraités devrait diminuer sur le long terme (90 % à 95 % en 2040 et entre 77 % et 86 % en 2070). Il reviendrait à son niveau des années 1980.

  • L’effet de noria lié au renouvellement de la population des retraités : les nouvelles générations, dont les pensions sont en moyenne plus élevées, remplacent progressivement les générations les plus anciennes aux pensions plus faibles.
  • L’érosion du pouvoir d’achat est différente selon les générations. Le pouvoir d’achat d’un retraité non-cadre du secteur privé a diminué entre 3 et 4 % selon les générations, entre l’année de son départ à la retraite et l’année 2020. Celui d’un retraité cadre né en 1932 a enregistré une baisse de près de 14 % (conséquence des prélèvements sociaux sur les retraités depuis 1990 comme la CSG).

Quelle équité entre les générations au regard de la retraite ? Des résultats contrastés par rapport aux générations qui partent actuellement à la retraite (nées au milieu des années 1950), en miroir de leur durée de retraite :

  • Les générations plus jeunes seraient pénalisées par des taux de cotisation plus élevés et un montant moyen de pension plus faible relativement au revenu d’activité moyen.
  • En revanche, leur durée de carrière en proportion de leur durée de vie totale serait en moyenne un peu plus courte.
  • En miroir, leur durée de retraite relativement à la durée de vie totale aurait tendance à progresser compte tenu des gains d’espérance de vie.

Quelle équité entre les femmes et les hommes au regard de leur retraite ? Les femmes ont des montants de pension inférieurs à ceux des hommes, elles partent plus tard à la retraite car leurs carrières demeurent moins favorables que les carrières masculines.

  • Leur taux de chômage est similaire à celui des hommes ;
  • Elles ont un taux d’emploi plus faible (notamment en raison de leur maternité) ;
  • Elles travaillent plus souvent à temps partiel ;
  • Elles ont des rémunérations inférieures.

À l’avenir, l’écart de vie entre les hommes et les femmes devrait se réduire pour les générations futures estime le COR. Dans le secteur privé, cette durée représenterait en moyenne 105 % de celle des hommes pour les générations nées après 1980.

  • Le rapport entre le montant moyen des pensions entre hommes et femmes se résorbe peu à peu.
  • Lorsque les pensions de réversion sont prises en compte ainsi que la majoration pour 3 enfants, l’écart se resserre. Il passerait de 76 % en 2019 à 92 % à l’horizon 2070.
  • Les femmes ont une espérance de vie de retraitées de 4 ans supérieure à celle des hommes.

Ces projections confirment que notre système de retraites est solide. À l’horizon 2070, le système serait équilibré sans modification. Le poids des retraites dans le PIB passerait de 14,7 % à 11,3 %. Le déficit concerne la période jusqu’en 2030 (papy-boom). À partir de 2030 jusqu’au début des années 2060, la part des dépenses de retraite dans le PIB baisserait dans tous les scénarii mais avec une amplitude variable. Il n’y a pas de dérapage incontrôlé des dépenses à moyen ou long terme par rapport à la richesse produite en France. Par contre, le poids économique du système des retraites dans le PIB, celle de la justice au sein d’une génération ou entre les générations, de la prise en compte des femmes ou de la pénibilité au travail restent des questions politiques.


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