mercredi 10 avril 2019
Cela fait une dizaine d’années que les partenaires sociaux, relayés par la loi et la réglementation, ont officialisé la valorisation des compétences militantes dans l’entreprise [1] . Pourtant, 10 ans après et les lois formation de 2014, travail de 2016, ordonnances de 2017 et arrêtés de 2018 [2], les pratiques sont encore limitées. Une étude réalisée à l’Ires pour la CFTC analyse les pratiques, les difficultés, les solutions … et les enjeux pour la conception des relations professionnelles dans les entreprises.
Une reconnaissance encore limitée [3]
Les militants interviewés montrent bien que les compétences exigées des élus et représentants du personnel sont de plus en plus importantes, allant jusqu’à la nécessité d’une expertise. Les salariés comme les organisations syndicales, exigeantes sur ce professionnalisme, le reconnaissent aussi volontiers. Bien plus que les employeurs, selon le type, le niveau et la qualité des relations professionnelles dans leur entreprise, trop nombreux à ne pas tenir compte des compétences acquises, voire de leur validation officielle par le système de formation et de certification.
L’étude fait le tour de l’existant.
La valorisation des acquis militants s’inscrit dans les relations sociales de l’entreprise ou de la branche
Pourquoi une entreprise ou une branche créent-elles une telle reconnaissance ? La réponse peut être multiple, allant de la logique gestionnaire de reclassement des militants en fin de mandat à une politique de reconnaissance d’un investissement personnel et d’un engagement au service du collectif, selon la conception des relations sociales dans chacune d’elles.
De toute façon, la valorisation suppose la reconnaissance des compétences acquises dans les mandats syndicaux et électifs dans les entreprises et les branches.
S’entendre d’abord sur une définition convergente des compétences militantes
En effet, valoriser suppose de s’entendre sur le contenu de ces acquis, selon les mandats exercés. Quelles compétences met en œuvre un élu ou un délégué quand il analyse, donne un avis ou négocie ? Que ce soit sur la situation de l’entreprise, sa stratégie, son budget, sa politique sociale, sa politique de formation et de gestion prévisionnelle, etc. Sont-ce des compétences spécialisées ou généralistes et transversales ? Spécifiques au contexte dans lequel elles s’exercent, ou transférables y compris sur le plan professionnel ? Un véritable travail consensuel de définition est nécessaire.
De plus, la première difficulté pour les militants, comme pour tous ceux qui choisissent de valider leurs acquis, est de prendre conscience et identifier les compétences qu’ils développent dans leur mandat, de savoir les expliciter et le rédiger. Un accompagnement fort est une aide indispensable.
Les dispositifs existants pour la valorisation des compétences militantes
Les salariés interviewés ont pu passer par plusieurs dispositifs :
Quelques éléments de solutions
Les dispositifs existent, le tout est que ces possibilités ne restent pas à une échelle très limitée, comme trop souvent des lois et règlements ont de minimes mises en application.
– Pour permettre une plus grande prise en compte de cette perspective et l’intégrer dans les relations sociales des entreprises, l’étude cite deux possibilités utiles :
– Pour coordonner qualité de l’action militante et repositionnement professionnel, au vu des besoins renforcés d’expertise des représentants du personnel et en prévision du reclassement professionnel en fin de mandat, plusieurs pistes sont intéressantes :
Un enjeu d’actualité
La réforme des institutions du personnel introduite par les ordonnances de 2017, soit le passage des CE, CHSCT et DP à des CSE, voire à des représentants de proximité, et leur mise en place à l’économie par beaucoup d’entreprises, va faire perdre leur mandat à environ 200 000 mandatés. La reconnaissance des acquis de tous ces représentants est un enjeu de taille pour leur reclassement dans leurs entreprises.
Les entreprises vont-elles ne rien faire, faire une reconnaissance sélective, organiser une simple mise en conformité avec la réglementation ? Ou vont-elles réaliser une véritable reconnaissance prenant en compte les perspectives professionnelles des élus, leurs possibilités de reclassement, la formation opportune, leur accompagnement personnalisé ?
Cette dernière perspective est bien sûr la plus intéressante pour ces élus en fin de mandat. La place donnée à la négociation d’entreprise doit permettre de traiter cette question, …et d’y apporter des réponses positives. On voit ainsi que la reconnaissance des acquis militants est l’indice de la qualité des relations professionnelles et du dialogue social, tant au niveau de chaque entreprise qu’au niveau global.
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