1. Accueil
  2. > Conditions d’emploi
  3. > Droit du travail
  4. > Loi Travail : Le gouvernement recule sur le barème des (...)

Loi Travail : Le gouvernement recule sur le barème des indemnités prud’homales pour licenciement abusif

samedi 26 mars 2016

Après une forte et unanime opposition de 9 organisations syndicales sur le plafond des indemnités prud’homales (15 mois de salaire pour 20 ans d’ancienneté et plus), le barème des indemnités prud’homales devient indicatif a annoncé le Premier Ministre dans sa présentation d’une version corrigée de la Loi Travail (Loi El Khomri), le 14 mars 2016. C’était un des 2 points de crispation les plus importants du projet de Loi Travail. La CFDT avait fait de son retrait une condition sine qua none. Vous trouverez aussi, en fin d’article, une analyse statistique et économique sur la réalité de la justice prud’homale.

Deuxième échec de ce projet

C’est la deuxième fois que ce projet du gouvernement échoue. Déjà, la loi Macron avait instauré un barème, retoqué par le conseil constitutionnel pour rupture d’égalité entre les salariés, car la taille de l’entreprise était prise en considération. Rappelons que l’employeur doit verser les indemnités prud’homales lorsqu’il est condamné pour licenciement abusif (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse). Pour les syndicats, les indemnités sont là pour réparer un préjudice dans son intégralité.

Le barème des indemnités prud’homales devient indicatif

Ce sera toujours au juge de décider du montant de l’indemnité, à partir d’un barème qu’il pourra ou non appliquer. Ce barème indicatif sera fixé par décret et devrait être identique à celui de l’avant-projet, qui prévoit des plafonds de 3 à 15 mois selon l’ancienneté du salarié, a précisé Matignon. Mais, le niveau du tarif indicatif pourrait bien encore évoluer. Après le Conseil des ministres du 24 mars, un décret devra définir un barème indicatif. « Le choix que nous faisons aujourd’hui est donc d’en rester à un barème indicatif dans la loi, qui sera une aide pour les juges prud’homaux, mais pas un carcan », a déclaré le Premier ministre dans son discours.

L’objet du barème ne concerne pas :

  • les indemnités versées par l’entreprise au moment du licenciement (qui sont versées au salarié pour "compenser" celui-ci, même si la motivation est parfaitement valable) ;
  • le solde de tout compte ;
  • ni, le cas échéant, les indemnités prononcées par les prud’hommes pour d’autres motifs que le licenciement.

Déception du patronat, satisfaction des syndicats réformistes

Matignon estime que ce barème est à la fois plus juste et plus favorable à l’emploi car il constitue pour le juge un référentiel national sur lequel celui-ci peut s’appuyer et qui entraine une égalité de traitement entre les salariés. Pour le Premier Ministre, il favorise l’emploi dans les TPE et PME, en donnant plus de prévisibilité aux employeurs, qui, à défaut, craignent des montants d’indemnisation mettant en danger leur entreprise. Le Président du MEDEF Pierre Gattaz s’est empressé de critiquer cette mesure, s’estimant déçu essentiellement pour les TPE-PME. La CGPME se dit furieuse.

La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont marqué leur satisfaction.

Pourquoi ce blocage patronal sur les Prud’hommes, quelle est la réalité ?
La France est loin d’être le pays le plus judiciarisé d’Europe, comme le montre une étude de Sebastian Schulze-Marmeling, du Centre d’études de l’emploi reprise dans Alternatives Economiques.

  • Peu d’affaires, en proportion des inscriptions à Pôle-Emploi

Depuis vingt ans, quelque 200 000 nouvelles affaires par an sont introduites devant cette juridiction paritaire. Un chiffre assez faible au regard des quelque 3 millions d’inscriptions à Pôle emploi, en 2014, à la suite d’un licenciement économique, ou pour motif personnel, voire d’une rupture conventionnelle, mais hors démission ou fin de CDD. En moyenne, 6 % de ces ruptures font l’objet d’une contestation en justice. A peine 2 % des licenciements économiques (336 000 en 2014 qui se sont suivis par une entrée au chômage) terminent devant le juge. Moins de 2 % des contestations devant les prud’hommes portent sur le licenciement économique.

  • Des recours en baisse

Par ailleurs, le nombre de saisines est en baisse constante. Il a chuté de 15 % entre 2004 et 2012. La décrue s’est accentuée avec la possibilité de recourir à la rupture conventionnelle. Avec un rythme moyen de de 300 000 ruptures conventionnelles signées par an (358 000 en 2015) – soit un total de 2 millions depuis 2009 - le décrochage est flagrant. L’étude met en lumière une « décorrélation » du contentieux prud’homal avec la situation du chômage. Alors que la courbe des inscrits à Pôle emploi progresse, celle des demandes prud’homales baisse. En 2014, ces dernières n’ont pas passé la barre des 188 000 affaires.

  • Le coût exorbitant évoqué par les patrons est-il une réalité ?

La réalité du terrain vient contredire les présupposés. Comme le rappellent Evelyne Serverin, Bernard Gomel et Dominique Méda dans une tribune publiée dans Les Echos, les indemnités allouées dépassent rarement un an de salaire. Les employeurs savent de plus que les jeunes qui enchaînent les contrats courts n’ont aucun intérêt à engager des frais d’avocat. Enfin, le lien de cause à effet n’est pas établi par les chercheurs concernant le frein à l’embauche en CDI.


Sources