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Immigration, emploi et croissance : éclairer les zones d’ombre des discours

mercredi 27 novembre 2019

Le débat au Parlement sur l’immigration et l’instauration de quotas économiques de travail viennent d’enflammer les esprits, mais quel est l’impact réel de l’immigration sur l’emploi et la croissance de notre pays ? À la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, France Stratégie vient de proposer une revue de littérature sur l’impact de l’immigration pour ces différents volets. Et malgré les cris et les imprécations de certains, il apparait que l’impact de l’immigration n’est pas de grande ampleur.

En matière d’immigration, les spécificités françaises

En 2018, la population immigrée, c’est-à-dire des personnes nées étrangères à l’étranger, représente 9,7 % de la population. Les flux en provenance de pays non européens se composent encore pour un gros tiers d’immigration familiale. Les parts de l’immigration humanitaire et pour motif économique restent faibles (13 % chacune), bien qu’en hausse. Les arrivées d’étudiants sont également en hausse.

Si l’on compare la France au reste de l’UE, elle se rapproche de l’Espagne avec environ 10 % de résidents étrangers alors que l’Allemagne, l’Autriche en ont environ 20 %. Ces écarts résultent autant des besoins en main d’œuvre, passés et présents, que de la perception qu’ont les immigrés des perspectives offertes par les différents pays possibles d’immigration. Comme nous l’indique Télos, ce point est extrêmement important à l’heure de construire ou de contrôler des politiques migratoires.

La France étant un pays d’immigration ancienne, sa population immigrée est relativement âgée. Ainsi, dit le rapport, la part des « 55 ans et plus » est aujourd’hui identique à celle des non-immigrés. Le niveau d’éducation de la population immigrée comprend une surreprésentation des non-diplômés (plus de 20 points de plus que les non-immigrés) mais aussi, dans une moindre mesure, des très diplômés (près de 2 points de plus pour les détenteurs d’un diplôme au moins égal à la licence).

L’impact de l’immigration sur le marché du travail

L’écart de taux d’emploi vis-à-vis des non-immigrés est de 18 points pour les 25-54 ans, en raison d’une part d’une plus faible activité des femmes immigrées (20 points de différence) et d’autre part d’un plus fort risque de chômage des immigrés (plus de deux fois plus élevé, et même près de trois fois plus élevé pour les immigrés étrangers hors UE).

Il est important de constater qu’une part importante de ces écarts n’est pas expliquée par les niveaux de diplôme. Alors que le Parlement vient de débattre d’une politique de quotas en lien avec les emplois non pourvus, le rapport insiste sur les autres raisons qui expliquent ce différentiel et cite « les fragilités sociales, la barrière linguistique, les obstacles légaux, la discrimination, la vulnérabilité… » et indique « les facteurs de déclassement et les obstacles à l’emploi des personnes immigrées sont nombreux ».
Le rapport conforte l’expérience des associations d’aide aux étrangers qui montre bien que l’insertion dans l’emploi des étrangers est très largement souhaitée par eux-mêmes y compris pour des emplois non qualifiés. Ce qui est en jeu et qui amènera un succès, c’est l’accueil, la formation linguistique, les politiques d’intégration. Fixer des quotas n’est rien si tout cela n’est pas mis en œuvre pour les immigrés déjà présents sur notre sol.

D’après toutes les études recensées par France Stratégie, l’impact de l’immigration sur le marché du travail serait faible, qu’il s’agisse de l’emploi ou des salaires des non-immigrés. En France, un accroissement de 1 % de la main-d’œuvre dû à l’immigration se traduirait selon les études par une variation de l’emploi des non-immigrés comprise entre -0,3 % et +0,3 %, et une variation des salaires comprise entre -0,8% et +0,5 %. Si l’on suppose que l’impact de l’immigration sur le taux d’emploi (ou de chômage) des non-immigrés s’avère nul ou presque, l’évolution des indicateurs du marché du travail dépend alors exclusivement de l’insertion professionnelle des immigrés eux-mêmes.

Quel impact sur la croissance ?

Les études concluent pour la plupart à un effet positif de l’immigration sur la croissance par tête, moins net cependant dans les pays les plus développés que dans les pays émergents ou en développement.

Quotas d’immigration : ce que prévoit le projet du gouvernement
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Le Premier ministre a d’annoncé vingt mesures sur la politique migratoire. Parmi celles-ci le gouvernement va instaurer des « quotas non limitatifs » pour l’immigration professionnelle. Un nouvel outil statistique pour revoir la liste des principaux métiers en tension selon les territoires devra être construit d’ici à mars 2020.

Il servira de base au débat annuel au Parlement qui vient d’être institué pour « répondre aux besoins de l’économie à court-moyen terme ». Le premier de ces débats aura lieu fin 2020. Dans un document de travail, le gouvernement a pointé un système actuel qui « ne répond pas bien à nos objectifs économiques » et souligne les difficultés de recrutement des entreprises - « une sur deux en 2019 indique qu’elle a des difficultés ». Il reprend les analyses de l’OCDE sur la « complexité » et le « manque d’efficacité économique » des procédures en matière d’immigration professionnelle et en particulier la liste dite « des métiers en tension », qui n’a pas été revue depuis 2008.

Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a annoncé qu’une concertation avec les partenaires sociaux et les régions était lancée pour aboutir d’ici à mars 2020 à ce nouvel outil et réviser la liste des métiers en tension.

Les réactions des associations et des syndicats sont négatives

« On est totalement à rebrousse-poil des promesses qui avaient été formulées, juge Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. C’est une manière d’installer une polémique permanente. Ce mot de "quota" fait plaisir à droite. Si c’était pour les calmer, c’est raté parce que la droite traditionnelle la plus dure ne va pas s’en contenter. Ce n’est ni juste, ni efficace, ni intelligent ». La CGT est « totalement opposée » à ces quotas de même que la CFDT.

Sources