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La vulnérabilité des métiers révélée par le Covid-19

samedi 8 août 2020

La crise sanitaire a mis en exergue des vulnérabilités oubliées pour les différents secteurs d’activité : économiques avec des statuts d’emploi et des organisations différentes du travail ; des conciliations vie professionnelle/vie familiale plus difficiles suivant les conditions de vie ; du travail atypique (horaires, exposition à des produits dangereux, intensité du travail, charge mentale…). Une note de France stratégie explique les paramètres pris en compte pour l’étude sur les vulnérabilités, pendant et après le Covid-19, des différents métiers.

La prise en compte de différents paramètres

1- La vulnérabilité économique : elle dépend de la spécificité des secteurs d’activités mais aussi de leurs conditions d’exercice, du risque du chômage pendant et après le confinement, des conditions de rebond des métiers après la fin des aides. Plusieurs paramètres entrent en jeu :

  • A- Les différentes valorisations des activités du fait de la crise sanitaire pour :
    • les activités soumises à fermeture par décret : restauration, commerce non alimentaire, tourisme, voyages, transport aérien, activités récréatives, sportives, culturelles…
    • les activités bénéficiant d’autorisations d’ouverture limitée (demande d’approvisionnement ou de fourniture de services) ;
    • les activités prioritaires comme les secteurs de la santé, du médico-social ou l’aide à domicile, l’agriculture, l’agroalimentaire, l’eau, les déchets, les télécommunications, la poste, les métiers de la distribution, les métiers du nettoyage…
  • B- Les inégalités différent suivant les statuts d’emploi :
    • les formes statutaires d’emploi sont plus ou moins protectrices, avec les mesures exceptionnelles de préservation de l’emploi.
    • les statuts précaires, intérim, contrat saisonnier, CDD, apprentis, indépendants avec risque de faillite, micro-entrepreneurs… ou contrats trop courts pour toucher le chômage, sont pénalisants.
  • C- L’inégalité du travail en présentiel et en virtuel : la possibilité de travailler à distance, depuis son domicile réduit le risque de voir son emploi détruit à court et moyen terme, au contraire l’impossibilité de travailler à distance accroit la précarité des métiers et les dangers pour la santé.

2- La vulnérabilité des conditions de vie : les mesures de confinement rendent ces contraintes plus ostensiblement visibles. Trois types de vulnérabilités sont identifiées :

  • A - Celles liées à la conciliation vie professionnelle/vie familiale : garde d’enfant, type d’habitat, violence familiale. L’organisation du travail peut s’avérer plus difficile pour ceux qui résident en appartement et qui doivent garder leurs enfants et les éduquer en raison de la fermeture des écoles. Plusieurs variables sont construites à partir de l’enquête emploi : vulnérabilité de l’habitat, prise en compte des contraintes garde d’enfants et travail à domicile, configuration familiale, famille monoparentale.
  • B - Celles liées aux charges de loyer ou d’emprunt : les contraintes financières ne sont pas les mêmes selon que l’on est propriétaire, usufruitier ou locataire, accédant à la propriété de son logement et aussi selon le niveau de salaire. Le niveau de revenus des indépendants dans un métier n’est pas mesuré faute de données disponibles.
  • C - Celles liée aux situations de handicap : les contraintes organisationnelles des professionnels ne sont pas les mêmes en fonction des handicaps. Les professions sont très inégales face aux risques de santé qui touchent davantage les ouvriers que les cols blancs.

3- La vulnérabilité des conditions de travail : contraintes physiques ou psychologiques du métier, contraintes horaires susceptibles d’être exacerbées par la crise (intensité du travail, pression temporelle, charge mentale, etc.). Du fait de l’exposition à la pandémie, cette vulnérabilité est par ailleurs d’autant plus forte que l’exercice du métier nécessite un contact direct avec le public (de vive voix). Plusieurs types d’indicateurs appréhendent cette vulnérabilité [1] :

  • travail soumis à des horaires atypiques (soir/nuit/dimanche),
  • postures pénibles ou expositions à des produits dangereux,
  • intensification du travail pendant la crise,
  • vulnérabilités physiques.

4- La vulnérabilité au contact avec le public : les professionnels exerçant dans des activités essentielles peuvent être en contact fréquent avec le public, ce qui renforce à la fois leur risque sanitaire et les expose à un stress lié à la crainte du virus pour eux-mêmes mais aussi à l’angoisse, voire à la douleur des autres. Il en va ainsi des caissiers et des personnels soignants notamment.

L’étude faite par France Stratégie sur « les métiers du corona » établit une classification des vulnérabilités des différents métiers :

 Les métiers que l’on peut qualifier de « vulnérables de toujours » conjuguent une difficulté à travailler à distance et des statuts souvent précaires (un sur cinq exerce en CDD ou en intérim). Ces 4,2 millions de travailleurs, majoritairement des hommes, artisans et ouvriers de l’industrie et du bâtiment, sont traditionnellement confrontés à des conditions de vie et de travail difficiles.

 Les « nouveaux vulnérables » (4,3 millions d’emplois) affrontent une crise inédite liée à l’exercice même de leur métier qui les met en contact avec le public. Leurs activités sont ralenties, voire interdites, et leur statut les fragilise (31 % de contrats intermittents ou d’indépendants en solo). Dans ces métiers du transport, de l’hôtellerie-restauration, des services aux particuliers, de l’art, de la culture et du sport, la vulnérabilité financière se double d’une incertitude sur l’avenir.

 Les 10,4 millions de professionnels directement ou indirectement sur le « front » sont ceux dont les activités apparaissent essentielles dans cette crise. Ce sont tous les métiers de la santé, de l’éducation, de la propreté, de l’alimentaire et de sa distribution, et les professions régaliennes. Peu fragilisés économiquement, ils n’en sont pas moins exposés à une vulnérabilité d’ordre sanitaire par leur contact direct avec le public pour les trois quarts d’entre eux. Parmi les plus mal rémunérées et davantage occupées par des femmes, ces professions sont exposées à une intensification du travail.

 Le quatrième groupe, les télétravailleurs (3,9 millions d’emplois), sont exposés à un nouveau risque d’hyperconnectivité. Essentiellement occupées par des cadres, ces professions doivent, à distance, assurer la continuité du travail et préparer la reprise d’activité. Soumis d’ordinaire à une plus forte intensité du travail, ils voient leur charge mentale et les difficultés de conciliation avec la vie familiale renforcées par la crise.

 Enfin, nombre de professions intermédiaires ou d’employés qualifiés (4 millions d’emplois), le plus souvent en inactivité partielle, sont protégés du licenciement à court terme par leur statut. Mais leur difficulté à télétravailler les expose à des risques d’éloignement de la sphère professionnelle et de désocialisation.

La sortie du confinement et la transition, parfois longue, vers une reprise d’activité totale ou partielle, n’ont pas la même signification pour tous les métiers. Sans préjuger des décisions que prendront les branches professionnelles et les partenaires sociaux ni des mesures en place ou qui seront prolongées pour préserver l’emploi des plus vulnérables, il est nécessaire d’attirer l’attention sur un traitement « différencié » des risques auxquels sont confrontés les métiers. Au-delà, les mesures de confinement pourraient avoir accéléré des transformations organisationnelles et la diffusion de technologies numériques qui nécessiteront des adaptations à la fois pour tenir compte des innovations, pour repositionner les tâches et les hiérarchies bouleversées par la distanciation sociale. Enfin, ces études devraient servir en cas de nouvelle pandémie à anticiper pour protéger les emplois et les salariés.


Références