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Le travail illégal en 2013

mercredi 15 octobre 2014

Le travail illégal ou dissimulé existe en France, et on sait que la crise a renforcé la fraude des entreprises et le travail au noir. Vouloir chiffrer ce qui est dissimulé demeure délicat. Cependant la Cour des comptes a procédé à une estimation et l’URSSAF a publié le résultat de ses contrôles.

L’évaluation de la Cour des comptes

Pour elle, le travail dissimulé représente en 2012 une perte de cotisations sociales de 18,5 à 22,9 milliards d’euros, soit un doublement en 8 ans (2004 : 6,2 à 12,4 Mds €). Cela représente 5 % des cotisations sociales (y compris CSG et CRDS).

Les secteurs professionnels principaux de dissimulation sont la construction, estimée à 3,8 Mds € et le commerce, surtout de détail, pour 3,3 Mds €, soit un taux de fraude respectivement de 22 et 12 %. Les transports arrivent juste derrière avec un taux de fraude supérieur à 10 %. L’industrie et la finance ont, au contraire, un taux plus faible (4 %).

On constate de nouveaux types de fraude, qui s’ajoutent à celles, connues, de la non déclaration de salariés ou de la minoration du temps travaillé. En effet, on voit maintenant des entreprises faisant passer des salariés étrangers pour des travailleurs détachés, afin de payer les charges dans le pays d’origine à des taux de cotisation beaucoup plus faibles, même si ces salariés n’y ont jamais travaillé. On attend une amélioration de la nouvelle législation française [1] et de l’accord européen d’avril 2014 pour la révision de la directive de 1996.

On trouve aussi de faux travailleurs indépendants, employés par des entreprises pour payer une rémunération plus faible et moins de cotisations sociales. C’est une pratique ancienne – on parlait de « tâcherons » dans le bâtiment -, mais elle semble s’être développée avec le statut d’auto-entrepreneur.

Le bilan chiffré 2013 des contrôles et sanctions : « un taux de redressement très faible » pour « un montant dérisoire »

C’est ainsi que la Cour des comptes qualifie le bilan des contrôles de l’URSSAF, faiblesse de contrôle accentuée par leur quasi inexistence pour le monde agricole et celui des indépendants.

À fin 2013, l’Urssaf estimait que 7 % des entreprises fraudaient. Il s’agit de la face visible du travail illégal, rendue plus performante par une réorganisation de ce contrôle dans les URSSAF. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a alourdi le dispositif de sanctions, notamment avec la possibilité de l’annulation et le remboursement des réductions et annulations de charges sociales.

En tout, le montant des redressements s’est monté à 320 millions d’euros, …sur 192 milliards de cotisations sociales. Mais ce montant a été doublé de plus de 100%.

Si le taux de contrôle et de redressement est très faible par rapport à l’estimation de la fraude, ce qui est intéressant est le bilan qualitatif qu’établit l’URSSAF.

Les motifs principaux constatés pour les 291 M€ :
Types d’infractions Montants redreséss
Salariés non déclarés 212 millions d’euros
Dissimulation d’heures 40 millions d’euros
Dissimulation d’activité 0,423 millions d’euros


D’autre part, le taux de fraude parmi les établissements contrôlés est fort divers selon les régions. La moyenne française est de 13,7 % de fraude parmi les contrôles, pourcentage plus fort que l’estimation des entreprises fraudeuses grâce à des actions ciblées qui, à 79 %, ont donné lieu à des redressements. Or, l’Île-de-France arrive loin en tête avec un taux de 24,3 %, suivie des régions de l’Est (Franche-Comté, Bourgogne, Rhône-Alpes) à 17,9 %. Le plus faible taux est dans l’Ouest (Aquitaine, Poitou-Charentes, Pays de Loire), soit 5,7 %.

Les très forts taux sont dans les plus petites entreprises, dont celles qui ne déclarent aucun salarié (taux de fraude : 33 % des contrôles), en décroissance ensuite jusqu’à 6 salariés, et des taux bien plus faibles à partir de 7 salariés. Dans ces entreprises, la fraude touche avant tout les travailleurs ayant moins de 2 ans d’emploi, mais reste significative jusqu’à 5 ans d’ancienneté.

Pour la Cour des comptes, la « lutte contre la fraude (est) à renforcer considérablement et à moderniser », à professionnaliser davantage et à étendre à tous les régimes.

D’autant plus que, vu la taille des entreprises les plus concernées, il n’y a généralement pas de présence syndicale pour intervenir en interne. Il faut donc le relier aussi avec la future négociation sur le dialogue social en entreprise avec la piste de création, pour les très petites entreprises, d’une forme de représentation du personnel regroupée et extérieure.


Le document de la Cour des comptes :
https://www.ccomptes.fr

Le document de l’URSSAF :
http://www.acoss.fr/