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Religion au travail : le plus souvent sans problèmes

mercredi 25 décembre 2019

« Religion au travail : croire au dialogue ». C’est sous ce titre que l’Institut Montaigne présente l’édition 2019 de son 7ème baromètre du Fait Religieux en Entreprise. Si plus de 70 % des répondants rencontrent occasionnellement ou régulièrement des faits religieux au travail, cette nouvelle édition confirme la tendance des années précédentes, à savoir que la présence du fait religieux en entreprise s’affirme mais aussi se banalise. Le fait religieux est revendiqué le plus souvent par des salariés musulmans. Autres enseignements, les managers le gèrent de mieux en mieux et les salariés s’adaptent à cette situation.

L’entreprise n’est pas déconnectée du monde

Les liens entre le travail, l’entreprise et la religion sont anciens et multiples et le restent car les entreprises sont connectées à leur environnement et en particulier à la place des religions dans la société. Il faut noter aussi que la mondialisation et les migrations ont modifié le paysage religieux en France et interrogent la sécularisation qu’a connue la société française depuis la seconde moitié du XXème siècle. Aujourd’hui ce qui pose le plus souvent question ce sont les faits et comportements religieux dans les espaces de travail. On se souvient de certains cas emblématiques et médiatiques.

Une approche méthodologique de l’enquête

L’enquête suit une approche méthodologique rigoureuse pensée par Lionel Honoré, professeur d’Université à l’Institut d’Administration des Entreprises de Brest. Il a interrogé 1 104 managers au sein de grandes entreprises, de PME et d’ETI en France. Il a mené 183 entretiens qualitatifs semi-directifs, réalisés entre 2012 et 2019. Il s’est appuyé sur une importante revue de la littérature scientifique et enfin a organisé plusieurs périodes d’observation in situ, allant d’une demi-journée à une semaine. Son rapport révèle des chiffres et des exemples concrets et formule dix recommandations pour les entreprises concernées.

La présence du fait religieux au travail se banalise

Depuis la première enquête de 2013, la présence du fait religieux dans les entreprises françaises s’est affirmée et banalisée. De manière générale, les faits religieux les plus fréquents sont les demandes relatives au temps de travail : demandes d’aménagement ponctuel des horaires, planning de travail, planning des vacances, demandes d’absence, etc. Depuis 2016, les auteurs constatent une certaine stabilité. En 2019, les personnes qui rencontrent régulièrement (chaque jour, semaine ou mois) ou occasionnellement des faits religieux au travail représentent 70 % des répondants. La banalisation du phénomène se confirme donc mais se vit de manière différente car deux réalités du fait religieux au travail coexistent : une majoritaire où il n’y a pas de problèmes et une minoritaire avec des dérives et des tensions.
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Une situation majoritaire

Parmi les entreprises rencontrant des faits religieux régulièrement ou occasionnellement (70 % d’entre elles), 9 fois sur 10, ces derniers ne sont pas source de blocage ou de conflit. Les plus fréquents ont pour caractéristique commune de ne pas remettre en cause directement l’organisation du travail et son fonctionnement. Une très large majorité de situations est de mieux en mieux abordée et maîtrisée par les salariés et le management. Les salariés savent de mieux en mieux adapter leur pratique religieuse aux contraintes et exigences du fonctionnement de l’organisation. Quant aux managers, ils ont davantage de repères et d’outils pour gérer au mieux ces situations. Notons que les sanctions liées au fait religieux sont relativement rares : seuls 7,2 % des répondants qui sont confrontés régulièrement ou occasionnellement au fait religieux dans leur situation de travail ont déjà été amenés à en prendre. Dès lors qu’une intervention managériale est nécessaire, dans 81 % des cas le fait religieux ne crée ni conflit ni blocage.

Une situation minoritaire

En revanche, dans 10 % des cas, le fait religieux crée des dérives, des tensions ou des dysfonctionnements dans la réalisation du travail. Car la religion reste un sujet sensible qui peut impacter aussi bien les relations entre collègues qu’entre managers et managés. 20 % des situations qui sont marquées par le fait religieux le sont avec une densité forte, c’est-à-dire que les faits religieux sont fréquents – parfois quotidiens –, divers, émanent le plus souvent de groupes de salariés et entraînent ainsi des tensions et des blocages qui rendent très difficile la recherche d’accommodements. C’est dans ces situations, minoritaires mais pas marginales, que se concentrent la majorité des faits remettant en cause le fonctionnement de l’organisation et la réalisation du travail :

  • Les prières pendant le temps de travail (7 %) ;
  • Le refus de travailler avec des femmes (6 %), d’être managé par des femmes (2 %), de serrer la main à des femmes (5%) ;
  • Le refus de travailler avec des personnes qui ne sont pas des coreligionnaires (1 %). C’est également dans ces situations qu’émergent la très grande majorité des comportements traduisant une pratique religieuse rigoriste.

Une situation critique pour l’encadrement dans ces entreprises

Ces situations minoritaires mais réelles font que l’encadrement de proximité de ces entreprises est en première ligne et trop souvent esseulé. Peu d’entre eux ont à leur disposition des outils concrets pour gérer ces situations et plus de 44 % des entreprises concernées occasionnellement ou régulièrement par le fait religieux ne mettent en place aucune action de gestion du fait religieux. 60,7 % des managers qui sont dans ces entreprises déclarent ne pas bénéficier de ce soutien nécessaire et souffrent d’une déconnexion entre les réalités du terrain et les directions d’entreprise. Certaines d’entre elles semblent incapables d’en prendre la mesure.

La discrimination religieuse continue d’exister

L’enquête montre que le niveau de discrimination religieuse au travail reste élevé. Même si 80 % des personnes interrogées n’observent pas, ou très rarement, de situations de discrimination dans leur environnement de travail, une sur cinq en repère. Les personnes se déclarant pratiquantes du protestantisme et de l’islam déclarent observer plus fréquemment que les autres des situations de discrimination dans leur environnement de travail. (respectivement 25,6 % et 35,7 % de cas).

Savoir raison garder

Au-delà des cas qui font l’actualité médiatique et juridique, le résultat du baromètre 2019 et l’évolution depuis 2014 confirment que le fait religieux s’est imposé non seulement dans la vie d’une partie importante des entreprises françaises mais aussi en tant qu’objet de management. L’enquête montre que l’impact du fait religieux sur les relations entre collègues n’est pas perçu comme négatif par plus des trois-quarts des personnes interrogées dans cette enquête. En revanche, il reste un sujet délicat à aborder (50,7 %) et qu’il est préférable d’éviter pour plus de 61 % d’entre elles. Il faut aussi noter que, de manière générale, les managers ne se sentent pas mis en difficulté par la présence du fait religieux dans leur situation de travail.


Sources