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L’accord de performance collective pour gérer l’après Covid ?

mercredi 17 juin 2020

Souvent combattu par les syndicats, l’APC (accord de performance collective) permet de remettre à plat le statut social des salariés sans passer par la modification individuelle du contrat de travail. C’est un des dispositifs phare des ordonnances Macron (ordonnance N° 2017-1385 du 22 septembre 2017). Il est destiné à répondre aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise ou à préserver ou développer l’emploi. Il est présenté par les employeurs, pour donner suite à l’après Covid, comme un outil efficace contre les licenciements (voir le secteur aéronautique). Plus de 350 accords ont été signés à ce jour.

L’accord collectif ne peut en principe modifier le contrat de travail, sauf l’APC, prévu à l’article L 2254-2 du Code du travail, il est l’exception à ce principe. Les stipulations de cet accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, que ces dernières soient moins favorables ou pas (voir Clés du social https://www.clesdusocial.com/142-accords-de-performance-collective-ont-ete-signes-APC).

L’accord de performance collective peut :

  • Aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition.
  • Aménager la rémunération, dans le respect des salaires minima hiérarchiques.
  • Déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Il est important de souligner qu’il n’est pas possible d’organiser un dispositif de mobilité intragroupe. Il peut être prévu sur à peu près sur tous les autres thèmes.

Cet accord peut être signé par l’entreprise après négociation, qu’elle soit confrontée à des difficultés économiques conjoncturelles ou non :

  • L’accord conclu doit être majoritaire.
  • De nombreux accords sont négociés avec des représentants élus du personnel. Les employeurs de moins de 20 salariés peuvent aussi, à défaut de délégués syndicaux (DS) ou de CSE et sous conditions, proposer à leurs salariés de ratifier un accord APC par référendum (majorité des 2/3).
  • L’APC peut-être conclu au niveau de l’entreprise, du groupe, de l’unité économique et sociale, au niveau de l’établissement.

Selon la situation de chaque entreprise, l’accord pourra :

  • Réduire la durée du travail ou la modifier ou mettre en place un dispositif d’aménagement de la durée du travail sur plusieurs semaines ou sur toute l’année.
  • Modifier la structure de la rémunération des salariés ou même réduire le taux de garantie de ressources en cas de maladie. Il ne peut pas toucher au minimum hiérarchique de branche.

L’employeur informe chaque salarié concerné de son droit d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de l’accord de performance collective. Cette information est faite par tout moyen permettant de justifier de la date de la demande (par l’envoi d’une lettre ou d’un courrier électronique recommandé par exemple). En cas de refus, l’employeur a deux mois pour engager une mesure de licenciement « sui generis » qui constituera une cause réelle et sérieuse.

Cet accord APC peut être à durée déterminée ou indéterminée, il ne s’adapte pas à toutes les situations. Il n’a pas pour objet de prévoir des suppressions de postes mais des modifications des contrats de travail. Les suppressions de postes ne sont pas à la main des partenaires sociaux.

À la différence de la rupture conventionnelle collective, de la rupture dans le cadre de congés de mobilité ou encore de licenciements pour motif économique prononcés dans la cadre d’un PSE, les indemnités de rupture versées aux salariés ne bénéficient pas d’un régime social et fiscal optimisé mais du régime de droit commun des indemnités de licenciement.

La juridiction sur les accords APC : le Conseil constitutionnel a estimé le fait que bien que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse il n’interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues aux paragraphes III à V de l’article L.2254-2 du code du travail sont réunies :

  • Ces paragraphes concernent la rémunération, la durée de travail et la mobilité professionnelle ou géographique (c’est-à-dire le champ de l’accord), le délai de réflexion (1 mois) dont dispose le salarié pour faire connaître son refus et le délai de 2 mois (à compter de la notification du refus du salarié) dont dispose l’employeur pour engager une procédure de licenciement.
  • Une action en nullité contre un accord APC peut être engagée, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l’accord aux organisations syndicales (art. L.2262-14 du code du travail), par exemple par un syndicat non signataire.

Exemple d’APC pour donner suite au covid-19 : les négociations d’un accord de performance collective chez un sous-traitant d’Airbus « Derichebourg Aéronautics » ont débuté en mai 2020, la direction avait annoncé un plan social, conséquence de la crise sanitaire sur le secteur aéronautique. Puis avait proposé un APC (accord de performance collective) pour repousser ce PSE au mois de septembre. 700 emplois sont en jeu.

  • Cet APC prévoit notamment la suppression de certains acquis sociaux comme une indemnité journalière de transport ou le 13ème mois. Sans accord, le PSE pourrait entrer en vigueur dès le mois de juin 2020.
  • Les négociations autour de l’APC ont donc débuté mi-mai, Force Ouvrière, syndicat majoritaire, y étant favorable, la CFE-CGC et l’UNSA y étant opposés.
  • L’État a fait savoir, sans le dévoiler dans les détails, qu’il y aurait un plan d’aide à la filière aéronautique. Pour une partie des salariés, il est urgent d’attendre, avant de signer quoi que ce soit.

Le 12 juin, l’accord a été signé par la direction et FO syndicat majoritaire dans l’entreprise (soutenu par sa fédération de la métallurgie). Il permet la mise en œuvre d’aménagements concernant la rémunération et facilite l’organisation de la mobilité géographique en fonction des différents marchés de l’entreprise. En contrepartie, les salariés bénéficient d’une garantie d’emploi pour deux ans.

APC, opportunité ou risque de PSE (plan social d’entreprise) à bas coût ? « Cela peut donner une chance, en théorie, de préserver l’emploi. Ces accords permettent aux entreprises de faire le maximum avant d’opter pour un plan social, brutal et traumatisant », explique Christian Pellet du cabinet Sextant. Mais les organisations syndicales sont réticentes : « Ces accords peuvent permettre de raboter les acquis sociaux des salariés de manière sécurisée ».

La prudence est de mise chez les syndicats. Pourront-ils résister à la crise économique qui arrive dans certains secteurs sinistrés par le Covid-19 ? Sauront- ils trouver des solutions pour maintenir l’emploi ? Les syndicats demandent une négociation interprofessionnelle et des mesures sur l’activité partielle de longue durée.


Références

  • Expertise d’Anaïs Olivier, avocate, et Marie-Laurence Boulanger, avocate associées, du cabinet Fromont Briens dans Liaisons sociales
    http://www.liaisons-sociales.fr